Un détour heureux

En renonçant à traverser l’embouchure du fleuve Itata en barque, nous nous imposons un détour de 50 km pour aller traverser le fleuve en amont, par le pont de Trehuaco.

La piste est sablonneuse, les graviers déstabilisants. Mais une fois encore, les Chiliens nous réservent une belle surprise…

Vendredi 20 Septembre, 8h00, le réveil sonne dans notre tente plantée dans le champ d’Hugo à la sortie de Trehuaco. Comme à son habitude, Damien est le premier dehors. Il fait 0°C, on n’y voit pas à 5 mètres, la tente est complètement givrée… Fanny, comme à son habitude, reste encore un peu au lit. Après tout, on est mieux dans un duvet bien chaud! Une heure plus tard, le brouillard se dissipe, le soleil nous réchauffe peu à peu et commence à sécher le campement. Héloïse souffle dans son tee-shirt pour le réchauffer avant de l’enfiler. Après un bon petit déjeuner, à base de confiture de lait et de porridge, Manon, Lucie et Héloïse s’emparent du cerf-volant offert la veille par Martina et tentent de le lancer, malgré le faible vent matinal.


Vers 10h00, Hugo et sa fille Talia nous rejoignent et s’enquièrent de notre nuit, du froid, du confort des filles. Nous les rassurons, la nuit a été très bonne, bien au chaud dans nos duvets. Ils nous invitent alors à l’anniversaire de sa belle-mère, la mamie de la famille qui se nomme elle aussi Martina. Les 75 ans auront lieu le lendemain à 14h00, nous explique-t-il, et si nous n’avons rien de prévu, la famille serait très heureuse de nous compter parmi ses invités. Nous ne sommes attendus nulle part avant des mois et nous acceptons avec grand plaisir, émus par tant de générosité et d’humanité.
Nous décidons donc de profiter ce jour des fêtes nationales dans la ville voisine, Coelemu, située à 8 km. Les vélos sont légers, la route bitumée, trop facile! Sur la plaza des Armas, alternent des stands de nourriture, de jeux ou d’artisanat. Sur la scène, un groupe de guitaristes locaux, chemises à carreaux et chapeau chilien à bords plats sur la tête, anime cette journée où la patrie est reine.

En effet, le 18 septembre 1810, une junte insurrectionnelle prend le pouvoir et tente d’instaurer l’indépendance du Chili pour se libérer de la monarchie espagnole. Elle sera réellement effective en 1818. Depuis, une semaine de vacances et de festivités autour de cette date permet au pays de fêter dignement son autonomie. Pour l’occasion, les chiliens sont très attachés à leur danse traditionnelle, la Cueca: un couple se fait face, dans des habits très travaillés, robe aux multiples volants et fleurs pour les dames, bottes de cavaliers, veste, poncho et chapeau pour les hommes. Chacun agite un mouchoir élégamment brodé, pour inviter son partenaire à se rapprocher.

Un concours est organisé, aujourd’hui et nous sommes étonnés de voir beaucoup de jeunes adolescents y participer, transmettant fièrement les valeurs de leur pays. Nous nous régalons de les voir évoluer, les plus jeunes ont 4 ans, les plus âgées 80.

L’ambiance est très agréable et bon enfant. Les filles profitent des jeux gonflables. A Assas ou à Coelemu, ils ont toujours du succès!!! Nous nous sentons très bien dans cette petite ville à taille humaine.

Après quelques emplettes, nous rentrons à notre campement. Damien prépare une bonne omelette aux poivrons avec de la semoule.
Il fait un peu moins froid, samedi matin. Après une petite séance d’école, nous nous préparons pour la fête, en essayant d’être le plus présentables possible. Nous sommes accueillis par Mamie Martina, Hugo et toute la famille avec de grands sourires. Nous répondons avec plaisir aux questions sur notre voyage, heureux de participer à ce moment familial particulier. Pour l’occasion, la salle est décorée avec beaucoup de goût de ballons, de fanions en tissu et de bouquets de fleurs fraîches. Les filles retrouvent la petite Martina, qui les gâte avec 3 magnifiques barrettes-noeuds. Elles jouent toutes les 4 à se maquiller et à se faire toute belles.

Toute la famille – entre autres Martina, Carol, Katherine, leurs parents, Nuria, Hugo, Veronica, Felipe… – et les invités nous accueillent chaleureusement. Les filles de Mamie Martina ne s’arrêtent pas en cuisine, servant empanadas, viande de boeuf mijotée et poulet grillé. Nous sommes tout particulièrement chouchoutés. Quelle générosité! Quel grand coeur, qu’ils nous ouvrent spontanément alors qu’ils nous connaissent à peine!… Cette famille réunie nous rappelle la nôtre, nous nous y sentons bien…

Un groupe de Mariachis vient animer l’après-midi, enchaînant les classiques de la musique chilienne. Nous posons pour la photo, sombrero sur la tête!

L’heure est à l’émotion aussi, avec un diaporama réalisé par la famille pour sa doyenne. Nous ressentons beaucoup d’amour, à travers tous leurs messages. Les bougies sont soufflées, le gâteau à trois étages dégusté, les cadeux ouverts. Les invités se rejoignent sur la piste de danse. Nous goûtons aussi quelques spécialités locales, comme le célèbre pisco, le vin local et un cocktail à base de vin, de jus d’ananas, de glace et de sirop de grenadine: le Terremoto ou tremblement de terre. Nous passons une après-midi riche en partages et échanges. Manon, Lucie et Héloïse apprennent les jeux chiliens, qui sont en fait internationaux: la « escondida » ou cache-cache, et la « ténia » ou loup-touche-touche! Elles se sentent elles aussi comme chez elles. IL est déjà 19h30 quand les invités commencent à partir. Nous tentons d’aider et restons pour un dernier tecito! Le rendez-vous est pris pour le lendemain 10h00 pour finir de ranger.

Dimanche matin, le réveil se fait donc en douceur après l’après-midi et la soirée particulières de la veille. Nous rejoignons nos amis, discutons encore autour d’une part de gâteau, rangeons quand même! Katherine et Carol, toujours souriantes et pleine d’entrain, nous servent de guides pour découvrir les alentours et la très belle vue que nous avons sur le fleuve depuis le haut de la colline. Nous partageons leur déjeuner mais l’heure tourne néanmoins et nous devons nous mettre en route pour trouver notre prochain bivouac. C’est le coeur serré que nous disons au-revoir à tous! Nous nous saluons longuement, en échangeant nos numéros et adresses. MERCI encore à vous tous!!!

Il est 15h00 quand nous remontons en selle pour rejoindre la piste caillouteuse longeant le fleuve Itata. C’est la fin du weekend et des vacances, la circulation est plus importante que d’habitude sur cette route, et chaque voiture qui passe soulève une fine poussière qui s’immisce partout. Un chemin sur la droite nous amène sur les berges de la rivière sous une sorte d’oléoduc. Le coin parfait pour ce soir et idéal pour le cerf-volant. Pas facile de monter notre tente dans le sable, comme elle n’est pas autoportante. Nous l’arrimons aux arbres les plus proches et aux vélos.

Un peu paresseux ce soir, nous gonflons à peine les matelas. Ce n’est pas grave sur le sable, pense-ton. Quelle erreur! Nous nous réveillons courbaturés et encore plus mouillés que d’habitude. Heureusement le petit déjeuner avec « manjar » faite maison offerte par Carol nous remet en selle.


Le sable révèle également d’autres surpises, découvertes la veille à la frontale: il fourmille de petites araignées grises, que nos lumières font fuir. Passées les premières appréhensions, les filles s’amusent à baptiser chacune d’entre elles. D’ailleurs, nous ferons aussi sur les pistes voisines la rencontre de belles mygales… On ne va pas trop s’aventurer dans les bois!

Nous arrivons pour le déjeuner à Végas de Itata où nous nous ravitaillons en eau dans une école, l’occasion d’échanger avec petits et grands autour de nos montures. Une dernière et difficile montée et nous descendons sur la plage de Purema, bordée de prairies verdoyantes et de champs. Nous nous installons en bord de plage et partageons un maté avec un jeune couple de surfeurs.

Mardi 24 septembre, au matin, nous profitons de la plage et de cet environnement apaisant. Une famille plante des pommes de terre, les chevaux galopent dans le pré d’à côté, les filles dessinent dans le sable des messages à leurs amis.
La piste se poursuit entre graviers, montées et descentes. Notre oeil averti repère un chouette coin bivouac, une anse de sable doré, couleur inhabituelle ici. De dangereux rochers noirs et saillants se dressent dans l’eau à quelques mètres du rivage, de quoi mettre en péril les plus vaillants bateaux de pêche. Le bruit des vagues est assourdissant et parfois impressionnant la nuit. Nous dormirons à quelques mètres de l’eau et avons failli finir un peu salé quand une vague plus grosse que les autres est venue lécher notre auvent.

Ce sont les nuages qui nous accompagnent mercredi, le temps est maussade, nous aussi, nous manquons d’énergie. Et ces montées qui n’en finissent pas! Manon les aborde toujours avec persévérance, mais Maman et Lucie poussent beaucoup le tandem.

Heureusement, nous atteignons le petite station balnéaire de Dichato pour l’almuerzo, le déjeuner, vers 15h00!!! Notre mission est de trouver une cabana avec machine à laver. Après 10 nuits en bivouacs sauvages et malgré des toilettes de chat régulières, il est urgent de prendre une bonne douche et de faire une lessive digne de ce nom.
Cette petite ville est agréable, même si elle semble s’être rendormie après les fêtes passées. Nous déambulons sur la promenade en bord de mer, nous appelons nos familles, nous faisons enfin école et nous nous cuisinons de bons petits plats. Le boucher, touché par notre voyage, nous offrira d’ailleurs la viande hachée pour nos fajitas! Encore un bel acte de gentillesse!

Une excursion en bus à Tomé, la ville voisine nous permet de faire une surprise à Hugo et mamie Martina. Nous leur rendons visite sur leur stand de légumes secs au marché. En remerciement, ils nous offrent des provisions. La journée se termine au bout d’un ponton, en compagnie de lions de mer.

Nous profitons aussi de cette confortable pause (on ne lutte pas contre le froid et l’humidité!!) pour réfléchir et échanger sur toutes les rencontres passées et sur la générosité chilienne. Nous interrogeons les filles à ce sujet. Ferions-nous pareil? Fait-on preuve d’autant d’ouverture? Ces 10 derniers jours, la vie a mis sur notre route des familles merveilleuses – qui nous ont rappelé depuis pour prendre des nouvelles -, et qui marquent notre voyage et nos vies par leur grand coeur. Muchas gracias, amigos. Que le vaya bien!

12 commentaires sur “Un détour heureux

Ajouter un commentaire

  1. Que bellos recuerdos, compartir con todos ustedes, que encuentren muchas bendiciones en su camino y que algun dia vuelvan a nuestra tierra cariños miles ♡

  2. impressionnée, et remplie d’émotions pour cette vidéo du premier mois, bravo pour la réflexion « et nous, ferions nous pareil » Bise

    1. Merci rosy. Les valeurs chrétiennes sont ici tres fortes, et prennent tout leur sens… beaucoup de réflexions notamment pour améliorer les choses à notre retour et continuer à vivre à travers ces échanges….bises

  3. Qué Dios los siga bendiciendo, Martina extraña mucho sus amigas hermosas que siempre llevará en el corazón. Muchos cariños de parte de Katherine, Felipe, Emilio y Martina.

  4. Vous avez de gros bisous de nous 4, les filles sont supers contentes de suivre votre parcours. Et moi je suis pleine d’émotion à vous lire et regarder la vidéo ! Les Moulin !
    Hanae: votre vidéo est très jolie

Répondre à MagaliAnnuler la réponse.

par Anders Noren.

Retour en haut ↑

En savoir plus sur Les Lamas Futés

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading