Boue, sable, graviers et réconfort…

Nous partons de Dichato accompagnés de trois belles coccinelles peintes à la main par la propriétaire des cabanas.

Pour quitter la ville, nous choisissons d’éviter la grande route de Tomé et de nous diriger vers le petit village de Menque, pour ensuite emprunter une piste qui n’est pas indiquée sur notre carte. Nous verrons bien où cela nous mène….

Belle surprise au départ: nous pensions commencer directement sur de la terre mais, en fait c’est une belle route goudronnée qui nous mène à Menque. En haut d’une montée, nous croisons Carlos de la radio Amistad de Tomé pour une interview improvisée (voir article précédent) sur le bord de la route. Un joli moment! Nous arrivons à Menque rapidement et empruntons une piste très étroite bordée d’arbustes aux fleurs jaunes, et de forêts d’eucalyptus impénétrables. Ces arbres aux troncs rectilignes sont immenses et nous font l’effet de pédaler au cœur de la jungle, surtout quand certains de ces habitants croisent notre route. Héloïse a d’ailleurs des yeux de lynx pour repérer tous les animaux aussi petits soient-ils, que nous croisons.

Au bout de quelques kilomètres, un agriculteur nous prévient gentiment que la piste se détériore, voire, est coupée à cause des pluies précédentes. Nous tentons notre chance et arrivons bientôt dans la fameuse zone. La route s’est transformée en un champ de boue bien collante et bien profonde. Nous nous enfonçons jusqu’aux chevilles, les vélos jusqu’à la chaîne. Nous pataugeons littéralement en tentant de pousser les vélos et de les extirper de cette fange épaisse. Héloïse trébuche… dommage nous venions de revêtir nos habits tout propres! Heureusement, nous fait-elle remarquer avec justesse, cette boue est toute pailletée d’argent! De quoi ajouter un petit côté « girly » à cette expédition.


Les bas-côtés de la piste étant inaccessibles, nous déjeunons en plein milieu du chemin. Aucune voiture ne passe de toute façon. Nous atteignons notre bivouac, le camping de Los Quillayes en début d’après midi. C’est un petit champ au bord de la rivière, très agréable. Il est bien sûr fermé en cette saison, mais nous nous y installons sans problème. Un peu d’école, des cabanes entre les mimosas qui surplombent les berges, des jeux dans le sable de la petite plage, de l’eau pour nettoyer les vélos, un petit feu pour nous réchauffer… l’après midi passe paisiblement.

Le lendemain, nous atteignons le village de Pissis à l’heure du déjeuner, accueillis par une famille ayant entendu parlé de nous à la radio (voir article précédent). Ils nous offrent chaleureusement thé et café pour nous réchauffer et nous donner des forces pour l’après-midi.

Vers 13h00, la terre tremble…. Sensation très brève et très étrange…. L’épicentre du séisme se situe à 300 km de là, au large des côtes. Pas de risque de tsunami… D’ailleurs, seules Manon et Fanny l’ont senti, Damien étant concentré sur la réparation de ses freins, et Héloïse et Lucie jouaient à sautiller.

La piste de l’après-midi est dure. Les graviers ronds et instables nous font patiner. Nous laissons échapper quelques jurons, mais nous pouvons compter sur Héloïse pour nous rappeler à l’ordre et nous faire la leçon. L’après midi commence à être bien entamée et nous n’avons pas trouvé de bivouac. A 18h00 bien sonnés, une chapelle en plein air nous offre enfin un terrain plat et herbeux, parfait pour la nuit… Le site appelle au recueillement.

Quelques gouttes commencent à tomber… Nous parvenons à dîner rapidement au sec, mais, nous nous couchons sous une bonne pluie. La tente est en fait au milieu d’une piscine. Et alors que les filles commencent à s’endormir, nous creusons des rigoles d’évacuation entre les racines des pins… Travail un peu ingrat, l’eau monte, les rigoles se bouchent, les racines résistent. Heureusement qu’Héloïse était au pays des rêves et ne nous entendait pas maudire les éléments !! Au bout de deux heures, la pluie se calme, nous avons de la boue jusqu’aux coudes. Un petit ruisseau nous permettra de nous laver avant de nous coucher, courbaturés et trempés.

La nuit fut calme et sèche. Nous bénissons le rayon du soleil qui séchera tant bien que mal les pantalons, et les gore-tex. Tant pis pour la tente et les chaussures. Nous les enfilons détrempées malgré des chaussettes propres.

Une longue descente nous mène à Quillon. De nombreux camions de travaux nous doublent dans la descente…. et nous dépassent à nouveau lorsqu’ils remontent. L’un d’entre eux, décorés de nombreuses peluches, nous klaxonnera à chacune de nos rencontres, pour nous encourager. Un arc-en-ciel illuminera notre fin de journée. Nous avons repéré un petit camping familial à la sortie de Quillon sur la route qui doit nous mener ensuite vers Cabrero. Il s’agit en fait du jardin d’une maison, joliment aménagé avec quelques emplacements… Mais le portail est bien cadenassé! De gros chiens gardent la maison voisine et à force d’aboyer, alertent les propriétaires. « Oui, oui, vous pouvez camper, bien sûr, c’est ouvert, mais vous allez avoir un peu froid ». Dans la tente, à 5 et avec nos duvets, il fait toujours bon et nous ferons traîner le réveil au besoin. En milieu de matinée, les propriétaires viendront chercher les enfants pour qu’elles se réchauffent au coin du feu et autour d’un deuxième petit déjeuner. Nous remercions nos hôtes et enfourchons nos vélos malgré le temps menaçant et les premières gouttes de la journée. Autant vous dire que rien n’a séché depuis la veille.

Au bout d’1,5 km, nous nous arrêtons faire quelques courses au Minimarket El Alto tenu par Luis et Alicia. La pause durera 24 heures! En effet, ils nous proposent tout de suite de préparer le déjeuner – qu’on vient de leur acheter -, dans leur arrière cuisine attenante à la boutique. Nous acceptons sincèrement.

Revigorés par une bonne soupe chaude et des œufs, nous nous apprêtons à partir quand une belle averse s’abat sur le magasin. Luis et Alicia nous invitent alors à attendre que la pluie passe jusqu’au lendemain chez eux. Leur maison est grande, ses chambres vides. Ils ne peuvent pas laisser ces petites dans le froid! Ils nous installent donc dans leur cuisine, au coin du feu de la belle cuisinière en fonte, pendant qu’ils repartent dans leur magasin. Ce sera l’occasion d’une belle séance d’école avec arts plastiques et pointillisme pour offrir nos œuvres à ce couple si généreux.

Nous accompagnons Luis nourrir les moutons et leur cuisinons une belle tarte aux pommes pour les remercier de leur accueil. Nous passons une excellente soirée à discuter avec eux. Luis et Alicia sont des personnes très ouvertes, tolérantes et sages. Leur regard sur la société chilienne nous en apprend beaucoup sur le pays et ses inégalités sociales, sur l’immigration due à la crise vénézuelienne. Ils ont une grande famille et sont heureux de nous montrer leurs enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants. Ils remercient la vie pour tous ces petits bonheurs qu’ils vivent au quotidien. Ce sont des personnes extrêmement attachantes et généreuses, qui encore une fois, ont embelli notre voyage.

C’est avec émotion que nous leur disons au-revoir le lendemain, leur promettant de rester en contact et de prendre bien soin des « Ninitas » (petites filles)!

Mercredi 2 octobre, le soleil est de retour! La piste longe un canal et serpente donc doucement entre culture et pâturages. Les berges tranquilles du fleuve Itata nous accueillent pour le déjeuner. Un bac manuel fait des allers-retours réguliers entre les deux berges. Le conducteur nous invite à l’aider le temps d’une traversée et les filles se prêtent au jeu avec joie.

L’endroit respire la tranquillité, les eaux du fleuve sont paisibles, à peine perturbées parfois par le mouvement d’un poisson . Nous n’entendons que le chant des oiseaux. Le temps s’est arrêté…

Nous aussi d’ailleurs. C’est décidé, nous bivouaquerons ici! Après une petite sieste, Lucie profite de l’espace pour s’entraîner avec le vélo de Manon. Nous préparons une vidéo pour l’école de Marta à Santiago et pour notre école et celle de Sandra en France. Nous choisissons soigneusement notre endroit pour planter la tente, histoire de ne pas se relancer dans des travaux de paysagistes ici aussi, même si la pluie n’est pas annoncée!! On n’est jamais trop prudent, et surtout on est quasiment sec!!

Pas une goutte de pluie pour perturber notre sommeil, seulement le givre du matin (un petit -2°C quand même)! Le lever du soleil sur le fleuve est magique. La brume se dissipe doucement, laissant apparaître des formes étranges et inquiétantes. Les toiles d’araignées se parent de mille gouttelettes argentées. Le halo du soleil se reflète sur les eaux calmes. Moment de pure communion en famille avec la nature.

Une belle journée de pédalage nous attend pour rejoindre Cabrero, petite bourgade située à 35 km au sud. La piste s’élève doucement mais sûrement au dessus de la plaine. Les champs de cerisiers en fleurs nous annoncent le printemps.

La route goudronnée est le graal de la journée. Plus de vibrations, ni de graviers. Ça fait du bien aux fesses et aux jambes. Cabrero est un petit bourg tranquille, aux rues sagement quadrillées. Son centre est bien animé. Nous découvrons les churros fourrés à la confiture de lait. Muy rico!!!

Vendredi 4 Octobre: normalement, ce soir,nous devrions atteindre l’objectif de la semaine: les chutes d’eau de Salto del Laja. Un incontournable dans la région!

Nous partons confiants sur la route…. Mais la quittons (trop!!) rapidement pour une piste de sable noir…. Au bout de quelques kilomètres, un panneau laisse planer un doute: « chemin coupé, pont en construction »… Quelques renseignements pris auprès d’une habitante ne nous aident guère. Ce qui est sûr, c’est que ce chemin est la seule option pour éviter l’autoroute n°5 du Sud, notre A9 en France!! Comme vous, nous ne nous y voyons pas. Alors, c’est décidé, on tente le chemin de sable. L’avancée est lente, l’endroit extrêmement sale, les bas côtés servant de décharges. Bientôt, la piste est impraticable, mais un sentier sur la droite semble couper à travers une jeune plantation de pins. Nous poussons les vélos, nous traversons des cours d’eau sur des ponts plus ou moins rassurants. Au bout de quelques heures et après un pique-nique vite avalé, nous apercevons des voitures au bout de la piste. C’est la route! C’est bon, le sable ne sera vite qu’un mauvais souvenir.

Les derniers tours de roues, au cœur d’une plaine fertile, nous conduisent au Salto del Laja et à une cabana confortable, au milieu des champs.

Samedi rime avec week end et tourisme local. En effet, le lieu est très animé! Cela nous change. La journée débute par un accrobranche aux belles et longues tyroliennes. Des émotions pour petits et grands. Ici pas de parcours enfants: 4 ans ou 40 ans, c’est du pareil au même et la même hauteur sous les pieds. On se régale!

Nous passons ensuite l’après midi au pied des chutes d’eau. Leur débit est important car les précipitations ont été nombreuses cet hiver. Les eaux du fleuve Laja se jettent de la falaise d’une hauteur de 35 mètres, dans un vrombissement permanent. Au-dessus, les hauts peupliers semblent défier les cieux! Nous sommes trempés par les embruns frais et émerveillés par l’arc en ciel qui se forme à nos pieds. Mais, de ce fait, nous avons découvert le pot aux roses: aucun trésor ne se cache aux extrémités de ces rayons multicolores. Grande déception pour Héloïse!

Une belle journée qui se termine par une rencontre fortuite. Alors que nous nous dirigeons vers le mirador, un couple nous interpelle et se présente comme étant Mélissa et Rodrigo. On fait appel à nos souvenirs. Peut-être les a-t-on rencontrés dans une des familles qui nous a accueillis. Mais, non, il s’agit en fait de la famille chez qui nous allons passer la semaine prochaine et que nous avons contactée via le site Workaway: en échange du gîte et du couvert, nous les aiderons dans leur travail jusqu’à vendredi prochain. Ils profitent du week end pour découvrir eux aussi la région avec Amira, leur petite fille de 1,5 ans. Le courant passe très bien entre nous, ce qui nous rassure quant à la semaine à venir. Nous nous disons donc à demain. Ils habitent en effet à côté de Los Angeles, ville située à une quarantaine de kilomètres des chutes. Une belle journée de route, euh pardon de piste, en perspective!!

14 commentaires sur “Boue, sable, graviers et réconfort…

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  1. Bravo à vos enfants et petits enfants… courageux , téméraires et quelque part aventuriers . Bisous d’Italie d’où nous les suivons!

  2. Quelle étape! Formidable!! Vous forcez l’admiration tous les 5.
    Bravo, et vivement les cerisiers en fruits, non?
    Bisous et bon courage,

    Denise et Jean.

  3. Bravo à vous pour votre courage malgré ces épreuves. Le sourire sur vos lèvres à tous fait plaisir à voir.
    Bises à tous
    Amitiés
    Jean Marc

    1. Hello papa JM!
      Merci pour le message. Bien sûr que nous avons le sourire, nous vivons des instants privilégiés. J’espère que pour vous l’adaptation au climat méditerranéen n’est pas trop difficile. Bises à la famille.

  4. Au réveil , ça fait plaisir de retrouver vos aventures. Quelles aventures , dans la boue , la pluie et le froid .Nos pauvres petites chéries!!! Mais elles ont l’air rayonnantes et ont une capacité d’adaptation extraordinaire.
    Et toujours , même un peu plus à l’intérieur des terres , cette belle hospitalité . Un immense MERCI à ces familles chiliennes si généreuses . Bisous
    Christian et Janine

    1. Merci!!! C’est vrai que les filles s’adaptent super bien à tout, pour l’instant. Et puis la boue c’était super rigolo en fait . On vous embrasse fort.

Répondre à GillesAnnuler la réponse.

par Anders Noren.

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