« On dort où ce soir? »…

C’est la question que les filles nous posent au moins une fois dans la journée… et à laquelle nous avons rarement une réponse.

Cela les inquiète peut-être un peu mais c’est avant tout pour se projeter. Bivouac, cabanas, camping, chez l’habitant?… Le choix est large! Pour une fois, en partant des Thermes géométriques, nous savons où nous allons.

Nous avons contacté Carla du réseau Warmshower, site bien connu des cyclistes. D’ailleurs dans la longue descente qui nous amène à Conaripe, une voiture nous interpelle. C’est elle, elle nous a reconnus! Elle rentre tard ce soir, mais nous pouvons aller chez elle dès maintenant. Son voisin est au courant! Nous profitons de l’animation de Conaripe pour pique-niquer sur la place et nous régalons de sandwiches fromage/avocats!

C’est jour de paye aujourd’hui, le centre est animé par de nombreux vendeurs de rue. Dans l’après midi, nous rejoignons la jolie petite maison rouge de Carla située à quelques kilomètres. Les filles imaginent un accrobranche dans le jardin, et nous rentrons dès que les premières gouttes apparaissent. Scrabble espagnol, jeux et cuisine nous occuperont jusqu’au retour de Carla.

Elle est monitrice d’escalade, et est revenue dans sa région natale après quelques années à Santiago. Elle cultive un petit jardin et profite de la nature. Les échanges sont toujours aussi enrichissants. Elle nous permet de comprendre certaines particularités chiliennes, comme la présence de tous ces champs barbelés. Cela a commencé sous Pinochet avec l’accession à la propriété privée: tout champ se devait alors d’être fermé … Grâce à elle, nous découvrons un peu plus la culture Mapuche. Contrairement aux autres peuples sud-américains, ces derniers n’ont construit aucun édifice spectaculaire. En effet, leur société est très communautaire, centrée sur la famille et la nature, sans caste, ni hiérarchie. Ils vénèrent et respectent profondément les montagnes, les rivières, les forêts, qui les nourrissent autant physiquement que spirituellement. Chaque élément est vivant et sacré. Les filles apprennent aussi le nom des animaux en mapudungu, la langue mapuche. Encore une belle soirée autour de notre fameuse ratatouille!

Nous repartons avec dans nos sacoches un peu de la générosité de Carla: quelques herbes médicinales, du merken, poudre de piment fumée qu’elle prépare et du maïs pour cuisiner des pop-corn aux filles.

Nous longeons le lac Calafquen, sur une route goudronnée peu passante qui nous offre des vues spectaculaires sur la face sud du Villarrica. De hautes falaises verdoyantes se dressent devant lui, comme pour protéger l’accès à ce site sacré chez les Mapuche. Il fume beaucoup ce matin.

Autant nous n’avions pas pu l’admirer pendant notre traversée du parc du même nom, toujours caché par une autre colline, autant nous nous en mettons plein la vue aujourd’hui. Le lac d’un bleu profond est un premier plan de qualité.

Après quelques montées et descentes, nous rejoignons les rives herbeuses de la lagune voisine Pullingue. L’endroit respire la sérénité. Les eaux argentées ne sont troublées que par quelques cormorans perdus loin de leur océan. Des petites îles entourées d’ajoncs abritent des colonies de cygnes, de canards et d’ibis. Le Villarrica domine l’ensemble. Nous nous baignons dans ces eaux cristallines et bien fraîches. Alors que nous nous apprêtons à monter la tente, un couple de reporters français (www.petitesplanetes.earth) arrivent pour interviewer, dans ce cadre magique, un représentant important de la culture Mapuche. Il s’agit d’un Sonador. C’est un sage qui reçoit les rêves et les interprètent afin de guider sa communauté. Cela nous rappelle beaucoup la culture aborigène australienne où le rêve tient aussi une place importante.

Nous décidons de rester deux nuits sur cette petite plage paisible. Nous savons donc où nous dormirons ce soir!! Libérés, nous nous baignons, nous nous cuisinons des pop-corn pour le goûter, faisons école, nous observons les oiseaux et la nature, notamment la mue d’une libellule. De quoi apprendre toujours un peu plus pour petits et grands! Malheureusement, notre libellule est en petite forme après son changement de peau, les filles se chargent alors de lui construire une maison, et de la chouchouter pendant tout l’après-midi!

Le soir, le lac se teinte de rose, et le Villarrica s’embrase. Les ibis s’envolent dans des caquètements stridents, leur plumages orangés illuminés par les derniers rayons de soleil. Nous savourons le luxe de notre lenteur.

Vendredi matin, nous nous remettons en route. Nous souhaitons rejoindre le lac Ranco, 150 kilomètres plus au sud. Pour cela, il nous faut faire un grand détour vers l’ouest pour emprunter le seul pont qui permettent de traverser le fleuve San Pedro. Quelques jours de liaison sur des routes passantes, peu intéressantes. Nous rejoignons d’abord la ville de Panguipulli pour ravitailler. Contre toute attente, nous nous y sentons très bien. C’est une petite ville, peu touristique en cette saison mais très animée et authentique, très bien entretenue. L’église est très originale. Le temps du déjeuner, Fanny trouvera même une couturière pour réparer la fermeture éclair de sa polaire pour quelques pesos. Pause cazuela-almuerzo, cerises en dessert…

Après de bonnes courses, la chaleur nous pousse vers les bords du lac.

La vue nous comble encore une fois d’un lac paisible et du volcan Shoshuenco.

Nous posons les sacoches et à la fameuse question des filles: « On dort où ce soir? « , nous répondons « ici, sur la plage… si nous ne nous faisons pas déloger! ». En effet, nous sommes vendredi soir et nous doutons que l’on puisse bivouaquer ainsi aux portes de la ville, mais, nous nous plaisons ici et nous tentons notre chance. Nous passons une agréable fin d’après midi à nous rafraîchir dans le lac et à commenter les empannages et les virements de bord d’une petite école de voile locale. L’ambiance est très familiale. Alors que nous dînons sur l’aire de jeu, la police passe deux fois. Même si la tente n’est pas encore montée, ils voient bien qu’on « s’installe » comme chez nous. Aucune remarque de leur part. C’est bon signe. Beaucoup de familles viennent faire un petit tour tardif sur la promenade de la plage, comme c’est le cas de Laura et des ses enfants, avec qui nous discutons un bon moment. A 23h00, il est temps de nous coucher…. Oups, la tente n’est toujours pas montée!!! On est rôdé maintenant, et en quelques minutes, tout le monde dort profondément…. jusqu’aux premiers rayons de soleil sur le lac et le volcan.

Nuit paisible, malgré quelques jeunes festifs! Rien de bien méchant, si ce n’est leurs déchets laissés sur la plage. Quel dommage!

Il est temps maintenant de s’attaquer à ces étapes de liaison, surtout que la météo de la semaine est très mauvaise.

Les champs sont fleuris, certains semblent même enneigés par une multitude de petites fleurs blanches. Le parfum des genêts en fleur nous enivre.

Nous longeons de grands pâturages, des fermes visiblement très luxueuses, aux côtés de maisons, assurément très pauvres. Le Chili est très contrasté et les richesses très mal réparties. Ces inégalités sont d’ailleurs à l’origine de tous les troubles qui agitent le pays actuellement. Nous restons toujours à l’écart des grandes villes et ne rencontrons aucun problème pour l’instant.

Vers 18h00, nous arrivons dans la ville de Los Lagos… Il commence à pleuvoir et les hôtels sont peu accueillants. La question des filles restent en suspens… Nous contactons Alvaro du réseau de Warmshower. Il n’habite pas loin, mais il faut emprunter l’autoroute sur quelques kilomètres et avec la luminosité de fin de journée, sous la pluie, nous ne voulons pas courir le moindre risque… Tant pis… Il contacte alors Nata et Caro, un couple d’amis, qui sont d’accord pour nous recevoir chez eux. Et voilà comment nous nous retrouvons dans le salon de cette charmante famille avec trois enfants, dans une maison qu’ils sont en train de rénover.

Tous les deux fabriquent des mosaïques et animent des ateliers pour les enfants.

Ils sont très impliqués dans leur commune, notamment dans les actions de préservation de l’environnement et de la gestion des déchets. Il y a une vraie conscience environnementale au Chili, avec des poubelles de tris, des panneaux explicatifs, des actions de recyclages, comme ces bouteilles de sodas remplis d’emballages plastiques utilisées ensuite dans la construction… mais encore inégale selon les villes, et les régions.

Julieta, qui a 11 ans, sera la compagne de jeu idéale de Manon et Lucie. Ensemble, elles fabriquent des bijoux et ne se rendent même pas compte qu’elles parlent espagnol. Héloïse s’occupera de Dante, le petit garçon de deux ans. Nous passons une agréable soirée tous ensemble et le lendemain, après un bon brunch, ils nous font découvrir les rivages de leur fleuve San Pedro, lors d’une chouette balade en famille.

Nous les remercions chaleureusement pour leur accueil spontané. Eux aussi, voudraient voyager. Bienvenus en France quand vous voulez, les amis!!

Nous repartons en début d’après midi, sous le soleil mais poursuivis par les nuages. Des rafales de vent, parfois très violentes, nous poussent sur cette route toute droite sans intérêt. A 17h00, nous dévorons sur le bord de la route un déjeuner/goûter avant de faire une pause jeu dans la cour d’une école rurale. Si ça ne tenait qu’à la gardienne, elle nous autoriserait bien à camper mais, le règlement est strict et nous ne voulons pas lui attirer d’ennuis.

Il est 18h30 quand nous nous remettons en route. Les eucalyptus dansent dans le vent, la pluie nous rattrape… Mais, on dort où ce soir?

18 commentaires sur “« On dort où ce soir? »…

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  1. Tant pis ! Même si ce n’est pas original, on adore vous lire et vous voir.
    On ne s’en lasse pas.
    Chapeau pour vos rencontres toutes plus incroyables, colorées et gourmandes les unes que les autres.
    Bisous

    1. Une fois n’est pas coutume, nous profitons d’une maison confortable, alors que le jeune couple de propriétaires est au travail. Ils nous laissent la maison en toute confiance.
      Pour les echanges culinaires, bonne intuition, on a decouvert hier un délicieux charquikan. A suivre…

      1. Je me réponds à moi moi-même… l’expression « une fois n’est pas coutume » mal employée, je voulais dire « une fois encore ».

  2. Merci pour ce rédactionnel si bien écrit. Les photos sont superbes et nous sommes heureux de constater que tout se passe bien pour vous. C’est une expérience unique, profitez-en bien.Bonne route, on vous embrasse bien affectueusement. Françoise et pierre.

  3. Ou je dors ce soir ? Dans le bon lit de Marraine que j ‘ai piqué à Manon , pour un an .
    De grosses bises à tous;
    Camille

    1. Merci beaucoup. On a relu certains de vos articles, toujours très riches, surtout pour le passage de frontière via les lacs…. A voir si on peut le faire dans l’autre sens….

  4. Pour nous,pas d’interrogation ,un bon lit , mais trouver le sommeil !!!!!
    Toujours aussi magiques , vos récits , vos photos , vos sourires , vos rencontres…..On voyage avec vous , carte en main .
    Quelle belle expérience vécue intensément en famille ;Il fallait oser ….et le faire .
    Plein de bisous , nos lamas futés
    Christian et Janine

    1. Merci pour tout…😉! Il nous tarde de partager un petit bout de cette aventure avec vous!!! On va faire un calendrier de l’Avent jusqu’au 22… On vous embrasse très fort

  5. …sous un pont a l abri du vent biensûr ! Une fois la tente montée, vous commandez ,sur uber eats, un bon plat koreen parce que ça vous chante et une glace à la pistachiou en dessert parce que c est bon . I stop guessing ,je donne ma langue au chat !

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par Anders Noren.

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