Altiplano, nous voilà!

Nous profitons de nos derniers jours de chaleur à Salta.

Vélos et bagages nous ont sagement attendus, et après quelques dernières baignades, nous voilà de nouveau en selle pour une semaine de montée.

Nous reprenons doucement le rythme. la chaleur est encore étouffante et l’ombre de la place de Campo Quijano bienvenue! Nous en profitons pour faire le plein de courses en prévision des prochains jours. Nous ne savons pas trop à quoi nous attendre en termes d’approvisionnement.

En milieu d’après midi, nous nous enfonçons dans la vallée qui doit nous mener aux ruines pré-incas de Tastil et ensuite à San Antonio de Los Cobres. La montée est facile, les nuages atténuent l’effet du soleil, la circulation est quasi inexistante. La vallée accueille un large torrent boueux et rocailleux. La végétation s’est déjà raréfiée et les cactus se multiplient. Arrivés à El Alisal, hameau de 3 maisons, une église et une ancienne gare, nous plantons la tente dans un pré derrière la petite chapelle. C’est très calme, nous sommes biens et la nuit sera tranquille.

La montée continue tranquillement dans une vallée ocre et magnifique. La pente est toujours douce. Autour de nous, les falaises se couvrent d’épineux en tout genre et de cheminées de fée plus ou moins sculptées. Lucie a enfourché le vélo de Manon, et elle réalise son étape comme une championne !

La route suit une ancienne voie ferrée, hors service aujourd’hui et dans cette région où les arbres se font rares, les préaux des gares désaffectées nous offrent une ombre salvatrice pour les pauses de midi.

Les paysages sont de toute beauté, mêlant toutes sortes de couleurs. La terre peut être rouge vif d’un côté alors qu’elle est quasiment bleu-vert sur la pente voisine…. et voilà une coulée blanche d’une roche encore différente! C’est magique. Une montagne semble même coupée en deux, une moitié noire, l’autre orange et partout ces cactus qui dressent leurs membres difformes vers le ciel!

Arrivés à Ingeniero Maury, nous plantons la tente à côté de la gendarmerie et partons saluer les maîtresses et les enfants à la sortie de l’école. Dans la cour, four à bois et cloche à l’ancienne.

Les enseignantes nous accueillent chaleureusement et nous proposent même de nous ramener du pain le lendemain matin.

Deux enfants nous attendent le lendemain pour nous faire visiter l’école et pour la montée des drapeaux, l’un du pays, l’autre de la province, moment très solennel. Les enfants sont alignés et entonnent en chœur un chant patriotique. Ils saluent ensuite leurs maîtresses avant de rentrer en classe et de se mettre au travail sous l’œil curieux des filles. Au programme, leçon de mathématiques. Vingt neuf élèves sont scolarisés dans l’école, de la maternelle à l’équivalent de notre cinquième, âge auquel les enfants rejoignent le collège. Le bâtiment est décorée de magnifiques fresques qu’ils renouvellent chaque année. L’école fournit petit-déjeuner, déjeuner et goûter, le tout réalisé par une cuisinière sur place. Ici, il ont classe de 8h00 à 16h00, « jornada completa ». En ville, afin de permettre à tous d’aller à l’école dans des classes aux effectifs normaux (35 à 40 élèves), il y a deux sessions de cours, le matin ou l’après midi. C’est intéressant d’en apprendre un peu plus sur le système scolaire argentin et sur les différences entre campagnes et villes. Nous avons adoré ces échanges et ces moments partagés.

La route continue pour nous et nous fait encore voyager à travers les roches multicolores et les temps géologiques. Le décor toujours aussi spectaculaire est de plus en plus minéral, les quelques oasis en bord de rivière témoignant d’un petit hameau. De hautes herbes dorées dansent dans le soleil et le vent, qui nous aide bien heureusement!

Nous arrivons le soir à El Alfarcito, joli petit hameau à la chapelle et aux maisons blanches. Le père Chifri, figure emblématique de la Quebrada del Toro décédé il y a 8 ans, a construit ici un collège de montagne ultra moderne autosuffisant en énergie accueillant 130 enfants en internat. Nous discutons avec des jeunes filles curieuses de nos parcours! D’ailleurs, ce matin, c’est avec leur frère et leur sœur que nous avons échangé.

Elba, la directrice de l’école primaire, nous accueille à bras ouverts et nous invite à dormir dans la salle de classe, en raison de la pluie qui menace. Nous apprécions la chaleur des lieux, l’accès à un lavabo et à une cuisine. Nous l’invitons à partager notre plat de lentilles/carottes, très très fermes, même après 2 heures de cuisson. Il faut dire qu’on est déjà à 2800 mètres d’altitude et l’eau bout en dessous de 100°C. De quoi réviser quelques notions de physique!

Elba vit toute la semaine dans son école, ne voyant son fils que le week end, gère l’approvisionnement en nourriture, les réparations diverses et variées, et enseigne à 13 élèves. Sans Wi Fi dans l’école, mais avec une « classe mobile ( ordinateurs) » fourni par l’état, elle profite du réseau sans fil d’une entreprise touristique qu’elle arrive à capter tant bien que mal dans un coin de la classe. Elba est pleine d’énergie et de ressources. Elle s’adapte à l’environnement rural de ses élèves, place l’hygiène au cœur de ses enseignements surtout en cette période de coronavirus, imagine des Asados pour honorer la Pachamama. Les élèves sont très proches d’elle, lui tenant la main et l’embrassant dès leur arrivée. Passionnée et entière, elle leur dédie son temps durant toute la semaine et les élèves lui sont reconnaissants. Merci encore Elba, pour ton accueil sincère et naturel. Nous avons passé une excellent soirée à discuter et une bonne nuit bien au chaud!

Au petit matin, la route est coupée en aval d’El Alfarcito, derrière nous, par une coulée de boue, conséquence de pluies torrentielles tombées dans la nuit. Nous sommes seuls sur notre partie de route, pédalant gaiement à côté les uns des autres , discutant et profitant pleinement des paysages.

En fin de matinée, nous atteignons notre objectif: les ruines pré-incas de Tastil. Elle datent du 11ème siècle. Le petit musée nous en apprend davantage sur cette cité, établie de façon stratégique en surplomb de trois vallées. Les tissages des vêtements avaient une signification sociale et hiérarchique importante. Éleveurs de lamas et agriculteurs – la fève est à l’honneur dans la région -, ils ont dominé le secteur jusqu’à l’arrivée de la civilisation Inca, vers 1400. Nous grimpons jusqu’aux ruines à pied à travers cactus et roches granitiques. Au sommet, un enchaînement de murets réguliers nous laisse imaginer l’organisation de la vie de cette communauté: ici, des jardins, là des maisons plus ou moins vastes, là-bas la place centrale et partout la vue sur les alentours.

Les Daltons

Nous déambulons dans ces ruines, quand tout à coup, deux « viscachas » détalent devant nous! Ce sont les marmottes des Andes au pelage gris-brun, se fondant parfaitement dans le paysage. Nous les observons un moment avant de redescendre pique-niquer sur la place de Santa Rosa de Tastil.

Nos derniers coups de pédales de la journée nous amènent à travers des gorges étroites vers le hameau de Las Cuevas, quelques maisons basses en bord de route, avec pour seule ouverture la porte. On imagine des intérieurs bien modestes. Nous trouvons refuge sous le préau d’une salle communale, avant d’assister à un spectacle son et lumière. Les éclairs déchirent le ciel, le tonnerre gronde. Heureusement que nous avons un toit au-dessus de nous. Nous ressortons doudounes et vêtements de pluie. Jerôme, qui nous a croisés plusieurs fois sur la route aujourd’hui, vient discuter avec nous et nous proposer de l’eau. Sa petite fille Carla, est fière de nous montrer son vélo tout neuf!!

Aujourd’hui, une grande étape nous attend. La pente est toujours douce, les montagnes de roches s’élèvent de plus en plus autour de nous. Ça et là, des maisons en pisé abritent une famille et nous rencontrons de nombreux bergers faisant paître leurs animaux dans les herbes vertes près de la rivière. Et de beaux ânes qui nous regardent placidement! Rapide pause déjeuner sous un soleil de plomb alors que le ciel devient de plus en plus menaçant! Une route en corniche nous attend. Nous dépassons les 3000 km au compteur!

On grimpe doucement, vigilant à l’altitude mais à part quelques maux de têtes, tout va bien. Les camionneurs qui nous ont certainement dépassés plusieurs fois depuis lundi, nous encouragent et chaque coup de klaxon est une motivation supplémentaire. Nous dépassons la ligne virtuelle des 4000 mètres…. puis, ensemble atteignons le col à 4080 mètres. Nous sommes très contents et fiers de nous tous! En 5 jours, nous avons cumulés près de 3000 mètres de dénivelé positif, sur 120 km. On ne s’attarde pas, le ciel est noir, les orages menacent et c’est l’angoisse suprême de Fanny en montagne, surtout à cette altitude!

La descente vers San Antonio de Los Cobres est un régal dans une plaine jaune, encadrée de montagnes ocres saupoudrées de neige.

Nous faisons la course avec les nuages

Soudain, Héloïse, notre responsable animalière, nous montre d’élégantes vigognes broutant sagement à quelques mètres de la route. Quel plaisir de les admirer dans leur milieu naturel! Elles s’appellent entre elles et Lucie leur trouve un rire de sorcière. Quelle journée magnifique et quelle semaine époustouflante!

L’arrivée à San Antonio de Los Cobres, ville andine poussiéreuse et fantôme, est un peu brutale.

Le coronavirus est arrivé jusque là! Nous sommes accueillis par l’ambulance et la mairie qui vérifie nos dates d’entrée dans le pays. Dans le village, certains commerces sont interdits aux touristes. La peur de « l’Etranger » est bien là, les moyens sanitaires n’étant pas les mêmes ici et en Europe. Mais, nous trouvons néanmoins un petit appart propre et confortable dans un hôtel pour récupérer, continuer notre acclimatation à l’altitude, mettre à jour le blog, appeler nos familles, cuisiner, jouer, réviser les vélos. De gentils commerçants ne nous laissent pas mourir de faim et nous goûtons la « cazuela » de lamas! La gendarmerie nous renseigne aussi sur l’état des routes mises à mal par de violents orages. Nous attendons donc sagement que le temps s’améliore, et que la situation face au virus s’éclaircisse.

Après conseil auprès de l’ambassade de France, nous décidons pour l’instant de rester dans cette région. Nous avons le droit de circuler et ne sommes pas soumis à la quarantaine en vigueur pour les étrangers fraîchement arrivés. La Bolivie sera pour une autre fois. Les frontières se ferment et l’état sanitaire du pays ne nous incite pas à y séjourner en ce moment! Nous étudions différents itinéraires possibles, dans des régions reculées et hautes en altitude, – pour éviter la forte épidémie de Dengue sévissant dans tout le Nord de l’Argentine dans les basses vallées!!!! Nous doutons un peu de nos capacités physiques mais nous avons le temps d’essayer, de faire demi-tour si nécessaire, alors autant en profiter.

Nous pensons bien sûr à nos familles et amis, qui nous manquent particulièrement dans ces moments-là. De notre côté, nous sommes tous les 5 en pleine forme, et quelque soit l’itinéraire choisi ou imposé, nous savourons pleinement de notre temps en famille.

18 commentaires sur “Altiplano, nous voilà!

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  1. Coucou Fanny,

    Ça y est j’arrive au bout de toutes vos aventures après 3 semaines de lecture ! Notre voyage tant attendu a été annulé suite au coronavirus, vos aventures sont donc un vrai bol d’oxygène !

    Merci pour ces récits riches et plein d’amour. Un vrai plaisir de vous lire!
    Prenez soin de vous et profitez bien!
    Gros bisous,
    Charlotte.

    1. Quel plaisir de te lire Charlotte ! ! Merci pour tes encouragements à tous niveaux
      Ou deviez vous partir? Plein de bises

      1. On devait partir en Géorgie, on est en train de voir pour le remboursement des frais engagés.

        Tu as déjà une date de retour ? Profites bien car tu ne loupes pas grand chose ici !

        Je pense bien fort à toi et à ta famille, merci pour le rêve et l’espoir que vous suscitez.

        Gros bisous ❤

  2. Bravo pour la montée ! et bon anniversaire Héloïse 🙂 ! Bises depuis Assas confiné (ça fait encore plus réver, vos grands espaces…). D.

  3. Coucou Fanny,
    Je suis pas très assidue … du coup je viens de lire deux mois d’un coup !!! Un grand Bravo pour les 3000 kms, c’est énormes et les filles peuvent être fières !!!
    Continuez à nous faire rêver avec vos récits plein d’aventures et vos magnifiques photos !!!!

      1. Merci Karina pour ton enthousiasme, c’est motivant ! Bises à vous 4

  4. toujours aussi magnifique merci pour cette évasion …
    la beauté et la grandeur des paysages doivent être impressionnantes en réalité !!!
    courage à vous pour la suite
    continuer à faire rêver et profiter !!!!

    1. Merci encore Elizabeth. Oui en effet, ces paysages sont intimidants ! !
      Courage à Léonie dans cette période de travail à domicile !! Qu’elle ne stresse pas trop pour la suite.

  5. Bonjour à tous
    Je vois que le Covid 19 s’invite dans votre périple ! Heureusement que vous êtes en Amérique depuis longtemps. Toujours OK pour m’adresser les éléments ? Voir mon mail d’il y a quelques jours et celui de ce mardi. Le ML regroupant très bientôt plusieurs éditions (en cette période particulière), les espaces réservés sont supprimés. Donc plus de date limite précise, mais d’ici 1 petite semaine ce serait bien. Un moment d’évasion qui serait bienvenu pour les lecteurs !
    Eric

  6. Quelles belles images de la montée dans l’Altiplano ! Roches aux splendides couleurs!! impressionnant!
    Du coup la nouvelle physique de Fany, l’eau bout à 90° et l’angle droit à 80 passe presque inaperçue !!!!
    Bravo les Dalton, chapeaux et cactus, tout y est; faites bien attention au coronavirus et à la digue…
    Gros bisous, et bonne poursuite.

Répondre à Halley EricAnnuler la réponse.

par Anders Noren.

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