Le sud de la Colombie, une belle surprise!

Mocoa, ville aux sonorites exotiques, nous ouvrent les portes de l’Amazonie, tout au sud de la Colombie, apres 5 mois de voyage ici. 600 mètres d’altitude, 100% d’humidité, des épisodes de pluies diluviennes, une forêt d’une densité intimidante et un accueil toujours chaleureux. Retour sur un itinéraire improvisé et réussi.

De Neiva, nous décidons de prendre un bus pour San Augustin 250 km plus au sud. Sur le papier, les compagnies nous confirment la faisabilité de notre projet. Lever à 4h00 pour tenter d’attraper le bus de 6h30… premier échec. La soute de ce bus à 2 étages est déjà pleine. À 10h00, mission accomplie. Nous sommes presque seuls et nos vélos sont chargés « délicatement » par le chauffeur.

5 heures plus tard, nous débarquons à San Agustin, ville à 1500 mètres d’altitude aux richesses archéologiques classées au patrimoine mondial de l’humanité. Nous logeons dans un superbe petit hôtel tenu par François, une cabane dans les arbres au milieu d’un jardin fleuri et calme. Le climat est idéal et les lieux propices au repos et à la préparation de bons petits plats.

Surtout, nous faisons un voyage dans le temps, entre 1500 ans avant JC et 900 après, au coeur d’une civilisation pré-colombienne aussi mystérieuse que fascinante. Il s’agit d’une des plus grandes nécropoles au monde. Aucune trace d’écriture n’a été trouvée et les hypothèses vont bon train au sein de la communauté archéologique. Cette civilisation disparue a profité de la topographie des lieux pour créer des tumulus, recouvrant de gigantesques tombes. Des statues en pierres volcaniques mi humaines mi animales, ont été découvertes au fil des siècles par les paysans. Ils les utilisaient comme piliers avant que deux archéologues s’intéressent à ces oeuvres d’art. Elles sont la preuve d’une societe hierarchisée et socialement très avancée, dont nous ne savons que peu de choses. Les tombes étaient gardées par ces sculptures représentant le défunt. Toutes symétriques, elles arborent des artifices spécifiques comme les dents de jaguar, symbole de la terre, les yeux d’aigles, représentant les cieux, et tiennent souvent des serpents pour illustrer le monde souterrain. Notre guide, Umberto, est passionnant, il nous fait voyager au son de sa flûte traditionnelle la kuna, et nous initie aussi à la méditation. Nous nous laissons envoûter par la magie des lieux que nous découvrons seuls. Une chose nous fascine surtout: les tombes sont des dolmens comme ceux trouvés en France ou dans le nord de l’Europe. Comment finalement des peuples si éloignés en temps et en kilomètres ont adopté des coutumes similaires? À creuser….

En reprenant les vélos depuis notre cabane enchantée, nous faisons une première halte à la finca de notre guide Umberto. Il nous y a invités pour découvrir toutes ces plantations. Nous y goûtons deux nouveaux fruits, le nispero, sorte de nèfle, et le caïmo, au goût étrange de camembert! Nous longeons l’impressionnant canyon du Magdalena, encore simple torrent de montagne ici. Toujours aussi vertigineux!! Les pentes sont à nouveau couvertes de cafés et de canne à sucre. Cela nous rappelle le Santander. En quelques minutes, nous nous trouvons au fond du canyon, l’estrecho du Magdalena. En quelques heures, nous revoilà au sommet de l’autre côté. La remontée fut courte mais très raide. Des maisons blanches rehaussées de détails colorés, une petite église, des beignets au fromage vendus dans la rue… une vie de village typique de Colombie. Nous campons sur le terrain de football. Les filles y jouent avec Scarlett et son amie. La famille de Scarlett nous fait goûter la gourmandise locale, du collagène extrait des pattes de vaches sucré à la panela. Ils nous prêtent aussi leur salle de bain et remplissent nos gourdes. Ils nous conseillent de bien faire bouillir l’eau car elle semble polluée par les pesticides utilisés dans les champs d’avocats. Pas sur que ce soit bien efficace.

Après une grasse matinée dans la tente sous un petit crachin désagréable, nous sillonons champs de café et de canne à sucre, franchissons un barrage de cultivateurs en grève et en colère mais souriants et amicaux avec nous. Encore un profond canyon bien pentu, une montée qui a raison de notre souffle et de nos jambes. Une pause  » papas rellenas » s’impose. La grand mère a un sourire charmant et maternel. Elle nous offre les cafés et veut garder Heloise. Nous atteignons le second site archéologique l’alto de los idolos. Nous nous laissons encore une fois porter par la magie et la solennité des lieux, seuls entre statues et tombes. Nous notons quelques petites différences, avec le site précédent, ce qui rajoute encore un peu de mystère. Nous demandons à camper sous le preau du restaurant voisin pour passer une fin d’après midi tranquille au vu de la météo. Pas facile de trouver la bonne place pour notre grande tente mais on y arrive toujours !

Et c’est un grand soleil qui nous réveille le matin. On choisit une belle piste entre des petites fincas toutes bien entretenues et fleuries. En ce dimanche matin, les familles discutent paisblement devant leur porte. Alors que nous rejoignons l’axe principal, nous décidons de faire une halte à la cascade de Mortino. Le site naturel a été aménagé en parc d’attractions, avec piscine, tyroliennes et balançoires. Sensation garantie quand nous survolons la cascade et son cirque de 130 mètres. On se demande surtout comment les parois en argile complètement depourvues de végétation ne se sont pas encore effondrées sous l’effet des pluies.

Chouette moment avant de reprendre la route et sa circulation bien dense aujourd’hui. On sarrete dejeuner bord de route

« – Regarde Maman, qu’est-ce qui cuit dans la rotissoire ?

– Des cochons d’Inde ma puce…

-Ce n’est pas un animal domestique?

– Pas ici apparemment ! « 

On est content de quitter l’axe principal (après un premier essai qui se termine devant un portail fermé! on est bon pour un demi-tour, ça ne marche pas à tous les coups!). Les montagnes couvertes de plants de café sont superbes sous le bleu éclatant du ciel. Dans le hameau de Cerritos, nous demandons à camper sur le terrain de foot de l’école. Edwin, le président et sa soeur Soraida, nous invitent plutôt chez eux. Nous découvrons leur finca de café dans la lumière du soir. Une maison traditionnelle avec ses pièces distribuées autour d’une galerie couverte, et une cuisine extérieure au feu de bois. Trois générations se partagent l’espace. Nous passons une superbe soirée. Yuli et Soraida tressent les cheveux des filles pour leur plus grand bonheur. Ophelia, la grand-mère qui s’est prise d’affection pour Heloise, nous propose de rester une journée de plus, ce que nous acceptons avec joie. Nous nous installons dans leur salon. Nous profitons de la sérénité des lieux et de la générosié de nos hôtes. Yuli nous fait une manucure, une institution en Colombie où les femmes, toute classe sociale confondue, ont les ongles peints de motifs élégants et complexes. Nous leur faisons un repas de crêpes salées et sucrées et discutons longuement de leur projet de finca eco touristique tournée vers la decouverte des oiseaux.

Apres un copieux petit déjeuner, le calentado (on mélange les restes de riz et de haricots du soir et on réchauffe), nous nous attaquons à la dernière grosse montée de la Colombie. On remonte une petite vallée verdoyante, plus de café mais des pâturages et une forêt de plus en plus dense. Un pique nique en bord de route et nous passons le col du Cable dans la brume. De l’autre côte, une couverture dense à perte de vue : la forêt amazonienne !! Dans la descente, une bruine froide nous contraint à nous arrêter pour nous réchauffer autour d’un café au Parador 45. Mary nous sert un excellent café, exactement ce qu’il nous fallait. En parlant, nous apprenons que son fils, leur belle fille française et leur petit fils viennent de repartir pour la France. C’est tout naturellement que Hernando et Mary nous invitent à rester dormir dans la chambre que la famille vient de quitter. Hernando a contrsuit sa maison en bois de ses propres mains. Elle est douillette à souhait et nous dormirons bien au chaud alors que la pluie n’a pas vraiment cessé.

La même bruine nous accompagne sur les premiers kilomètres du lendemain, mais au fur et à mesure que nous descendons, la chaleur la rend bien plus supportable. Nous nous enfonçons de plus en plus dans la forêt. Plus de pâturâges en vue, seules quelques maisons bordent la route, toutes en bois elles aussi. En roulant, nous suivons le vol hypnothique des papillons, compagnons de voyage éphémères aux teintes satinées. Ca monte et ça descend, et c’est dur pour les jambes et le moral, cette sensation – que l’on connait bien en Colombie – de ne faire que monter dans une descente !

Nous nous arretons camper chez Ilber, un ami de Soraida. C’est un guide specialisé dans l’observation des oiseaux et une mine d’informations. Il essaie de nous faire reconnaître quelques chants mais notre oreille peu habituée n’y arrive pas. Nous passons une belle fin d’après midi à jouer au Uno avec ses neveux, Carla et Yoan. Au moment de nous coucher, on croise une belle tarentule près de la tente, que l’on ferme consciencieusement ce soir.

Le lendemain, même scénario que la veille: c’est une succession de montagnes russes qui nous amènent à Mocoa. Après un tour en ville et au marché, nous nous dirigeons vers la Casa de Ciclista de Ferney. Il a arpenté les routes de Colombie avec son chien Jager pendant trois ans et s’est installé depuis ici pour recevoir des voyageurs. Sa maison, toute en bois, est située dans un petit hameau à 6 km de Mocoa. Nous occupons la deuxième chambre de la maisonnette. C’est simple et chaleureux a l’image de Ferney. Nous y passerons 5 jours, dont 3 de pluie incessante. C’est la saison humide et certains orages sont diluviens. Nous sommes encore un peu en altitude et la chaleur, bien que moite est agréable. Nous cuisinons, lisons, dessinons. Nous apprenons à faire des bracelets. Ferney est très inspirant et nous aimons qu’il nous raconte son histoire. Nous partageaons nos « madeleines de Proust ». Héloïse passe ses après-midis à jouer avec les petites voisines, allant d’une maison à l’autre tout à fait à l’aise. Les deux derniers jours, 4 autres cyclistes dont Carlos, qui nous avait hébergés à Neiva, nous rejoignent et la maison prend des airs d’auberge espagnole.

Lundi 15 mai, sous un beau soleil, nous découvrons la cascade del Fin del Mumdo, nommée ainsi à cause de son inaccessibilité à sa découverte. Nous pénétrons dans une forêt primaire où chaque feuille dégouline d’eau. Mousse, fougères et lianes nous encerclent quand nous descendons dans de magnifiques gorges sculptées par les torrents impétueux. Des gouffres aux eaux limpides parsèment le chemin avant le clou du spectacle, et cette magnifique cascade sauvage au coeur de la forêt. Nous nous approchons du bord en toute sécurité pour admirer le gouffre en contre-bas. Petits papillons dans le ventre pour certains face au vide qui souvre sous nos pieds.

Nous quittons à regret la demeure paisible de Ferney pour une courte étape, direction la réserve naturelle Donde se oculta el sol. Corentin, installé depuis 10 ans en Colombie nous y accueille et nous guide à travers marais et forêt à la découverte des oiseaux de la région. On y admire des Tangaras multicolores, splendides, ainsi que des mochilleros, oiseaux dont le nid pendu aux branches ressemble à un sac à dos. Leur chant identique à celui d’une goutte d’eau est très reconnaissable. Nous vivons aussi un moment étrange, celui où nous entendons la pluie arriver : un bourdonnement comme un roulement de tambour. ce sont les gouttes qui résonnent quand elles s’écrasent sur les feuillage denses des arbres au loin ! Nous sommes rejoints par une équipe de photographes et scientifiques professionnels, très connus en Colombie. Ils travaillent pour de grands magazines de photos et nous passons une soirée incroyable avec eux.

Alors que nous disuctons, leur chauffeur les avertit de la présence d’un serpent corail. Tels des enfants passionnés, ils courrent le récupérer pour le photographier. Je vous invite à voir le compte Instagram de Memo Gomez pour admirer leurs photos (@memogomez). Le serpent, petit, n’en est pas moins impressionnant. D’ailleurs, nous leur montrons la photo du serpent sur lequel j’avais failli marcher il y a quelques mois dans le parc de Tayrona: un fer de lance, l’un des plus mortels… Après ces rencontres reptiliennes, la nuit sera dure pour Héloïse ! Le lendemain, nous arpentons dans un silence solennel la forêt amazonienne à la recherche de primates. Plus nous nous enfonçons, plus il fait sombre et nous sommes à l’affût du moindre bruit. Pas de chance, nous ne les verrons pas mais avons apprécié cette approche du monde amazonien intimidant, cette bouffée de chlorophylle et d’humidité. Humidité qu’il n’est pass facile de supporter quand même. Herureusement, il y a peu de moustiques,. seuls des moucherons quasi-invisibles nous laissent après coup de vilaines marques sur les chevilles. Nous admirons les couleurs du soir sur les contreforts des Andes. Nappes de brouillards fugaces et cris des oiseaux nocturnes transforment cet océan de verdure en un lieu mystique et encore plus hostile quil ne peut l’être.

Les couleurs dorées de l’aube effacent les derniers vestiges de la nuit et donnent une nouvelle realite aux environs. Nous continuons en camionette jusquà la Hormiga pour nous laisser le temps de découvrir la plantation de cacao, Theobamba. Il s’agit d’une structure familiale qui a décidé d’abandonner la culture de la coca au profit du cacao plus vertueux. Bel exemple de reconversion, inspirant et porteur d’espoir pour la région Putumayo, encore stigmatisée pour ses violences et ses trafics. Nous y sommes accueillis par Nancy, Lili et Jaime. Nous devions camper mais il nous prête plutôt une grande salle pour être plus à l’aise.

Ils nous font goûter un granité de pulpe de caco au goût citronné. encore une nouvelle saveur fruitée à la veille de quitter la Colombie. Nous cuisinons entre femmes pendant que Damien va faire un foot dans le village voisin. C’est pour ces moments si conviviaux et naturels que notre voyage en Colombie a été si riche.

La visite de la finca de cacao est très instructive. Nous dégustons le fruit du cacao, le mucilage qui entoure la pépite qui est ensuite séchée pour faire le chocolat. C’est un délice pour les sens, une texture blanche et sucrée, fondante et légèrement acidulée. Nous goûtons les différentes variétés et notons les nuances que l’on retrouve ensuite dans le chocolat. Un bruit dans les grands arbres bordant la finca… une boule de poils volant de branches en branches: les titis rouges, une espèce de primates, nous épient depuis leur tour de contrôle !! quel spectacle quand un vol de toucans vient compléter le tableau. Nous nous arrêtons chez Nancy pour nous régaler du miel de son mari directement prélevé dans les ruches. Nos papilles gustatives reconnaissent cette saveur oubliée depuis 6 mois et en redemandent !

Le soir, les enfants jouent au cunuba, très chouette jeu de billes avec les voisins. Lili et Jaime tiennent à nous cuisiner le Maito, un poisson grillé dans les feuilles de Bijao, accompagné de patacon. Cest notre dernier repas colombien, à l’image de notre séjour: une decouverte de tous les instants grâce à la générosité du peuple colombien.

A la Hormiga, nous avions consulté un médecin car Lucie est couverte de plaques rouges qui vont et viennent. Une allergie semble-t-il. Manon a un gros rhume aussi mais sans fièvre (pour linstant…). Au matin de notre départ pour l’Equateur, Lucie, qui a plus de plaques que jamais, Manon, Lucie et Héloîse plafonnnet à 39,8°C. Je ne dois pas en être loin. Mais dopés par un bon doliprane nous décidons de passer la frontière pour rejoindre une grande ville située à 50 km et un autre centre médical.

C’est avec beaucoup d’émotions que nous quittons la Colombie, heureux du chemin parcouru et des rencontres inoubliables que la vie a placées sur notre itinéraire. A tous, un immense merci !

PS: nous nous reposons à Lago Agrio pour laisser la fièvre tomber. Nous avons dormi toute la journée et allons mieux !

16 commentaires sur “Le sud de la Colombie, une belle surprise!

Ajouter un commentaire

  1. Toujours aussi passionnant et envoutant de vous lire, merci de ces récits (j’ai fait travailler les élèves d’Euro Espagnol sur vos récits, ils adorent cette découverte de la Colombie !)

    1. Merci Jean-Luc pour ton message . Très touchant! Je suis contente que les élèves apprécient cette découverte colombienne. A bientot pour la suite en Équateur.

  2. Suivre votre traversée de la Colombie a été un feuilleton aux épisodes tous plus émouvants, surprenants, insolites, les uns que les autres.
    Avec cette belle écriture, les photos et vidéos qui ne trichent pas, j’ai découvert la Colombie authentique. Merci à vous cinq.
    Reprenez des forces en Equateur pour être en pleine forme pour vos retrouvailles avec papy et mamie.

    1. Merci Marie-Claude. Nous allons en profiter. Nous vous envoyons plein d’ondes positives de ces beaux pays que nous traversons.

  3. Super récit, Fanny ! J ai bien aime aussi la petite nouveauté : la vidéo insérée . Les images du drone sont impressionnantes . Encore des gens hypers accueillants. Vous allez être connus en Colombie! C est sympa d être allé vous aventurer dans la forêt amazonienne.bonnes retrouvailles en famille. Bon rétablissement les filles!

    1. Merci Mathieu. La cascade était spectaculaire. Chouette expérience que la forêt amazonienne mais on est content d’avoir retrouvé les montagnes… Et la forme. Bises à vous 4.

  4. Inquiétant mais époustouflant à ce jour je vous espère rétablis Merci à la Colombie

    1. Merci Rosy et oui, tu as raison, merci à la Colombie. Nous avons retrouvé la forme et les montagnes. Bises

  5. Quelle richesse !
    Que de souvenirs…
    Je crois qu’en lisant vos aventures, je voyage « trop » 😀.

Répondre à Marie-Claude TrémouilhacAnnuler la réponse.

par Anders Noren.

Retour en haut ↑

En savoir plus sur Les Lamas Futés

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading