En quittant Prescott, nous savons que de longues lignes droites désertiques nous attendent. Nous resterons sur les routes pour nous éviter tout problème de ravitaillement en eau et en nourriture. C’est parti pour une nouvelle aventure, pleine de surprises.
En contournant Prescott par le nord, le décor change radicalement et se hérisse de chaos granitiques. Une piste nous permet de quitter la route somme toute très passante. Nous découvrons des stands d’entrainement de tir sur cible. Nous signalons bruyamment notre présence. Déjà que Manon ne la sentait pas cette piste…. et le pompon, c’est qu’elle s’arrête bientôt devant un pont détruit et un canyon infranchissable. Je vous passe le regard assassin des filles et leur silence éloquant sur les 5 kilomètres qu’il nous faut refaire en montée… on entend les mouches voler, ou plutôt les carabines tirer. Nous décidons de bivouaquer à l’entrée de la piste, bien loin des premières cibles à la vue de tous, très cordiaux, certains nous demandant même la permission d’aller s’entraîner! Et l’orage est vite passé. Malgre la proximité de la route, la nuit sera reposante.




Depuis quelques jours, nous nous battons tous les matins avec la fermeture éclair de la chambre de Manon qui montre de sérieux signes de faiblesse. Elle ne nous paraît plus étanche aux petits bêtes de l’Arizona. Et nous tentons d’imaginer une nouvelle couture alors que nous roulons en descente et sur du goudron vers la bourgade de Skull Valley. Nous sommes naturellement accueillis par quelques crânes jaunis et des bâtiments anciens. Alors que je regarde à travers la vitre de ce qui semblait être un magasin, j’aperçois, une belle machine à coudre. C’est le destin! Wesley fabrique des tentes dans son atelier artisanal, veritable musée. Il accepte sans hésiter de nous aider, laissant son travail en plan. Pour une somme modique par rapport au temps et la qualité d’exécution, il nous recoud une nouvelle fermeture éclair alors que son épouse nous offre un bon café et son petit garcon des sourires craquants. Sa créativité mêlée à un esprit entrepreneur lui permet de proposer des tentes personalisées de qualité à une clientèle de chasseurs et de cow boys. Nous en profitons pour nous régaler de bonnes glaces vendues par le magasin d’en face et généreusement offertes par un couple de passage, curieux de notre voyage. Nous sommes encore une fois très reconnaissants à tous ceux que nous croisons sur la route, et les remercions de leur générosité et leur disponibilité à notre égard!
Et ça ne fait que commencer!





Notre bienfaiteur du soir s’appelle Ariel. Il nous interpelle alors que nous nous rafraichissons à l’ombre d’une station service. Il est pétillant et a le coeur sur la main. Il nous propose de camper devant la maison communautaire de Yarnell, dans laquelle il est volontaire.

C’est chose faite quelques kilomètres plus loin! Au petit matin, nous sommes accueillis par un bon café, que nous tend Jimmy, le responsable de cette association, un mélange entre Resto du Coeur et Emmaüs. Elle se nomme ici “Meals on wheels” et propose des livraisons de repas aux plus âgés et aux plus démunis dans une region bien pauvre. Nous discutons longuement avec les bénévoles et sommes encore une fois chouchoutés. Ariel nous accompagne à vélo jusqu’à la sortie du village. Il nous regarde entamer les virages d’une vertigineuse descente, celle qui doit nous mener au pied du Kaibab plateau, dans l’immense plaine désertique qui nous sépare de la Californie.





La vue, impressionnante, nous donne le vertige tout comme les premières épingles à cheveux. Euphorique sensation de voler au dessus des éléments et de cette étendue aride et sableuse, égratignée par des serpents d’asphalte.


Nous débarquons de notre petit nuage à Aguila, petite bourgade poussiéreuse de bord de route. La première impression est mitigée, mais nous trouvons vite un beau parc arboré pour nous reposer, peut-être y camper. Une voiture nous hèle à ce moment-là et Jamie nous invite à la fête de l’école voisine à 17h00. C’est ainsi que nous débarquons à la kermesse, famille au milieu des familles locales. La majorité est d’origine latine. Espagnol et anglais se mélangent gaiement dans les discussions animées. Jamie nous présente. Nous goûtons hamburgers et pozoles, jouons aux fléchettes, au mini golf, à la pêche aux canards! Nous nous fondons presque dans la masse… enfin, nous sommes quand même les seuls étrangers à l’école alors difficile de se faire discrets. Nous adorons l’ambiance, simple et authentique, qui nous rappelle celle de notre petite école d’Assas. Ici aussi, tout le monde se connaît et en ce vendredi soir, les enfants sont rois. L’argent récolté permettra aux plus grands de financer leur voyage de fin de cycle à Los Angeles. Nous sympathisons avec Cecilia, qui nous propose finalement de dormir dans l’école avec l’aval du directeur. Tous les élèves participent au rangement, une fois la tombola terminée et nous laissent un gymnase confortable et sûr pour la nuit. Nous remercions sincèrement Jamie pour son accueil!





A 8h00, Juana, bientôt rejointe par Cecilia, nous amène le petit déjeuner, typiquement mexicain, avec purée de haricots rouges, tortillas et oeufs frits. Nous disons au revoir à nos amies avec émotion alors qu’elles nous laissent cadeaux et mots touchants… Et bien sûr, de quoi nous sustanter dans la journée!!



Leur jus d’ananas sauvera notre déjeuner, principalement à base de chips, avalé rapidement à l’ombre d’un supermarché. On a connu mieux, mais ici, l’ombre s’achète, nous dira-t-on. Nous bivouaquons entre deux routes et trois acacias, bercés par les camions et réveillés à 2h00 du matin par des buggys venus s’amuser dans le désert. Dans nos esprits embrumés par le sommeil, leur bruit de moteur se mêlent aux panneaux annonçant des tempêtes de sable, on s’imagine le souffle du vent… rêve ou réalité ? La nuit, très longue, sera quand même bien réparatrice. Les coins de bivouac ne sont pas toujours glamour! Héloïse ne voulait d’ailleurs pas s’y arrêter… trop de sable, de potentiels serpents à sonettes, de scorpions. Pas toujours facile d’expliquer ses peurs et de les dépasser… sans râler!!






Nous enchaînons encore une longue étape de ligne droite sur une route tranquille, mais ne pouvons échapper à l’autoroute pour 8 km. Très stressant, car les camions nous dépassent à pleine vitesse, même si la bande d’arrêt d’urgence est très large. Nous en sortons dès que possible pour emprunter une piste de sable et de cailloux, très technique! Et ce n’est rien à côté de ce qui nous attend le lendemain. Heureusement qu’entre temps, nous nous sommes régalés une fois de plus de bons plats mexicains et reposés sur un chouette coin de bivouac, où Lucie s’improvise géologue, l’endroit étant réputé pour son or et ses pierres. Nous sommes à Quartzsite, ville animée par l’arrivée, en gigantesques camping-car, des “snowbirds”, ces personnes du nord venant passer l’hiver sur les terres chaudes d’Arizona, à la recherche aussi de quelques pépites. La fièvre de l’or n’a pas quitté le pays!



Mais revenons à notre piste. L’autoroute est proscrite alors nous attaquons le trail qui la longe: un enchaînement de montagnes russes avec des pentes à plus de 20%, dans des éboulis… et en fond sonore, le murmure de l’autoroute, qui tel le chant meurtrier des sirènes d’Ulysse, semble nous appeler à l’emprunter, tentés que nous serions par sa pente descendante et son goudron. Mais nous résistons face au danger. Nous montons les vélos un à un, les retenons en descente, arrivons à pédaler quelques mètres, remontons en selle. Et devant nous, se déploie encore et encore ce ruban de terre qui n’en finit pas d’escalader les collines…. pendant 13 kilomètres. Epuisant autant physiquement que moralement car nous n’étions pas préparés à une telle difficulté ! Et ça change tout!
Nous en sortons bien poussiéreux, une certaine frustration imprimée dans les yeux de Manon et Lucie, qui ne comprennent pas forcément notre choix du jour. Alors on s’énerve un peu, on discute beaucoup. C’est ça aussi le voyage, comme dans la vie quotidienne, savoir s’écouter, s’affirmer, essayer de comprendre, partager ses colères, accepter les crises d’enfance, les bouffées d’adolescence et les bouffées de vieillesse des uns et des aurres. Et surtout faire en sorte que tout ça retombe vite, et sur ce point-là, on est assez fort!! Un coca, et on repart en en rigolant!




Maintenant, c’est sur une route qui fut un jour goudronnée que nous filons, dans un décor digne de Mad Max. Des carcasses calcinées de caravanes côtoient des fauteuils éventrés en plein désert ! On ressent une certaine misère ambiante. Le vent se lève, insidieusement de face! Nous franchissons le Colorado et entrons en Californie. Nous reculons nos montres de 1h!


Nous accélérons l’allure car ce soir, nous retrouvons Caprece et Steeve (qui nous avaient spontanément accueillis à Phoenix), chez leur fille Tera, à Blythe.
Quelle joie de les revoir et de faire la connaissance de Tera, Aaron et de deux de leurs fils, Cody et Rhett! Nous semblons avoir quitté des amis la veille et les discussions s’enchaînent autour de rafraichissements et d’un bon dîner. Devant nos interrogations d’itinéraire, ils nous proposent de nous reposer d’abord, de faire un peu de tourisme dans la région et de nous avancer ensuite en voiture.
C’est ainsi que le lendemain, après un petit déjeuner gargantuesque, un peu d’école et le nourrissage des animaux de la ferme (chevaux, taureaux, poules et coq), nous découvrons les abords apaisants du Colorado pour un pique nique avec Tera et Cody.




Aaron nous embarque ensuite à bord de son pick-up pour faire le tour de la ferme. Il est passionné par son métier, nous explique ses cultures (oignons, ail, coton, luzerne et mil), les contraintes liées à l’exploitation en bio, le plaisir de voir pousser les premiers plants et de récolter le fruit de son travail. Nous en apprenons un peu plus sur les cultures de la région et la présence de compagnies d’Arabie Saoudite qui cultivent ici, où il y a de l’eau, la luzerne qu’ils réacheminent ensuite dans leur pays. Exemple concret de mondialisation que l’on commente avec eux et avec les filles. Le coucher de soleil sur les terres agricoles est fantastique.






Le soir, après encore un délicieux repas, nous jouons au Corn Hole avec Cody, une sorte de palet version américaine. Super moment tous ensemble!
Mercredi, c’est donc à bord de la voiture de Tera, que nous decouvrons Havasu Lake… et son célèbre pont directement venu de Londres en 1966. Architecture classique incongrue au milieu de ce désert! Surnommé le grand puzzle, le pont qui commençait à s’affaisser au-dessus de la Thamise a été rachetée par Bob MacCulloh. Pierre par pierre, il a été reconstruit en aval du lac Havasu sur la terre, et un canal a ensuite été creusé. Aujourd’hui, les rives agréables du lac attirent vacanciers et retraités. Nous nous régalons de burgers américains au bord de l’eau.

Ce soir, c’est nous qui cuisinons, une piperade, de la semoule et un délicieux crumble aux pommes et aux noix réalisé par Manon.
Les filles montent aussi à cheval et Cody nous fait de belles démonstrations d’équitation et de lancer de lasso. Ils ont, en Arizona, un autre ranch de bétail, et Cody s’avère être un veritable cow boy!
Il est temps de se dire au-revoir, les yeux humides après ces bons moments partagés. Une veritabl Tera et l’une de ses amies nous conduisent 160 km au sud ouest à El Centro, à travers des paysages de dunes dignes du Sahara. Un dernier au revoir de la main et nous revoilà en selle pour 3 semaines et demi. Nous sommes plus que jamais dans le présent pour profiter de ces dernières étapes américaines.





Après l’ appétissante recette pour l ‘ Arizona , quel cocktail , pour cette dure fin de parcours dans le désert : crises d’ enfance , bouffées d’ adolescence , bouffées de vieillesse …ça ne manque pas de piment , et ça existe donc aussi chez les lamas !!.
Belles images , rencontres généreuses, les USA tiennent leur promesse
Savourez , savourez .
On vous embrasse fort
Heureusement, la rudesse de votre parcours dans le désert est largement compensée par les rencontres généreuses que vous continuez de faire et c’est comme un petit miracle de tomber sur un artisan qui fabrique des tentes et peut sécuriser la chambre de Manon…
Vos filles sont vraiment à “l’Ecole du Courage” et vous, vous avez l’Art de la Pédagogie. Félicitations Les Lamas Futées !
Que de grandioses paysages et de fortes rencontres depuis votre entrée aux USA !!!
Vous nous avez comblés d’images superbes!!!
Merci pour tout ce que vous nous offrez et bonne poursuite…
Denise et Jean