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Quand tout s’accélère…

Vendredi 20 Mars: Place du village andin de Huancar au milieu de la puna où je tente d’avoir du wi-fi: le policier m’invite à rejoindre ma chambre en confinement.

Mercredi 1 avril: une autre chambre à Buenos Aires cette fois-ci, toujours en confinement: nous prenons le temps d’écrire quelques lignes.

Entre temps, nous avons vécu quelques péripéties dont voici un petit aperçu…

A Huancar, nous n’avons pas de réseau à part sur la place à 50 mètres que je ne peux plus atteindre… Alors on devient imaginatif. On n’a que ça à faire. Notre système D s’avère malheureusement peu concluant.

Aucune nouvelle du monde extérieur ne nous parvient. Ah si, le policier vient nous dire que dans l’après midi on va s’occuper de nous…. Nous n’arriverons pas à en savoir davantage. A 16h00, un camion de gravats à peine vidé se gare devant notre « chez nous » pour nous amener à San Salvador de Jujuy, la capitale de la province, 3000 mètres plus bas et à 5h de route. Aucun détail supplémentaire… Nous chargeons les vélos , les sacoches et quand on s’apprête à monter dans la cabine, le policier nous indique qu’on voyagera dans la benne sous la bâche pour cause de confinement. Il y fait 45°C, on n’a aucun moyen de contacter le chauffeur… Très gênés par la situation, Estella la présidente du village, nous offre de l’eau minérale fraîche et un matelas pour un peu plus de confort. Dépités, nous voyons la bâche se refermer sur nous et sur ces paysages andins! A ce moment là, nous perdons tout contrôle de la situation….

Au bout de 10 min, nous nous rendons compte que nous ne tiendrons pas 5h dans ces conditions… On ne voit rien, l’air est irrespirable. Le camion s’arrête à Susques. A travers la bâche, on nous demande si tout va bien. Nous exigeons de descendre. Pas de réponse…. Le ton monte, les filles fondent en larmes… Enfin, quelqu’un daigne enfin relever la bâche et une âpre négociation commence avec la police. Au bout de 30 minutes, ils acceptent de nous changer de véhicule. Ouf… Seul problème nous disent-ils: il n’y a pas de ceintures de sécurité pour tout le monde dans le pick-up, c’est pas très prudent en cas de contrôle…. J’ai du mal à retenir un petit rire nerveux d’incrédulité face à ce discours incohérent!! Mais, bon on se calme, on fait la visite médicale demandée et nous partons rejoindre une soi-disant chambre à San Salvador de Jujuy, bien confortable pour nous 5…. Nous avons des doutes, on reste prudent.

Le paysage de la puna défile devant nous, un beau salar à perte de vue, des vigognes. Nous en profitons malgré les circonstances et le brouillard qui s’abat soudainement sur la route. Enfin, nous atteignons la ville et notre fameux lieu de confinement. Un militaire nous attend à la grille. Quand on demande des détails, il nous dit qu’il s’agit d’une salle de classe transformée en dortoir pour tous avec des matelas. Mon sang ne fait qu’un tour! On n’entrera pas, sinon nous resterons coincés 2 semaines dans de très mauvaises conditions. Chacun se bat à sa façon pour la protection des leurs, eux de leur pays, nous de nos enfants! Après tout, c’est légitime….On trouve un appartement à 23h00 à 500 mètres de là et on décroche l’aval de notre militaire…. avec vérification une nouvelle fois de notre température! L’infirmière est adorable! Le sésame en poche, on file vers « notre » appart. Martin nous accueille chaleureusement. Il met à notre disposition un appartement plus grand, clair, propre, confortable où nous nous sentons tout de suite chez nous… Il nous apporte du riz, des gâteaux… Et nous fera les courses les jours d’après. Merci infiniment Martin!!! Sans toi, nous serions encore dans la rue!

Nous sommes soulagés et commençons tranquillement notre quarantaine. Comme en France, on s’organise avec cuisine, jeux, cabanes, écoles, expériences de chimie, films, montage vidéo, pièce de théâtre improvisée, appels à nos familles.

Nous fêtons aussi un événement important, les 11 ans de Manon. On lui prépare un escape-game. Nous cuisinons de bonnes empanadas, avec des légumes frais que nous avons réussi à nous faire livrer. Ça nous change des pizzas!! Et elle souffle fièrement ses bougies.

Nous restons très connectés pour suivre les nouvelles et les conseils de l’ambassade et du consulat honoraire de la province. Nous sommes finalement un peu moins disponibles pour les filles. L’ennui prend parfois le dessus, mais elles arrivent toujours à rebondir! Le vélo et le grand air nous manquent… Mais, on a une petite terrasse… Nous commençons à démonter nos montures pour pouvoir nous déplacer plus facilement.

Chaque jour amène son lot d’incertitudes et de questions. La province de Jujuy est épargnée par le virus, le confinement y est très strict. Nous nous sentons à l’abri de ce côté-là. Mais, la situation sécuritaire peut très vite évoluer. Dans un pays déjà faible économiquement parlant, la quarantaine est une épreuve pour tous ceux qui se nourrissent avec le salaire du jour. Les tensions peuvent vite monter. Si nous restons sans l’aval de l’ambassade, ne risque-t-on pas de le regretter en cas de problème?

Finalement le lundi 30 mars, on décidera pour nous. On nous fait gentiment comprendre que la province de Jujuy préférerait que l’on parte pour les raisons de sécurité précédemment citées. Nous acceptons de prendre le bus qui part à 8h le lendemain matin à destination de Buenos Aires.

Et c’est une course contre la montre qui débute : trouver les 2 derniers cartons qui nous manquent pour emballer les vélos, des valises, un taxi et une camionnette pour les vélos pour aller à la gare routière, trouver des laisser-passer et faire une visite médicale…

A chaque pas en avant , c’est trois pas en arrière, on se croirait dans le jeu « qui veut gagner des millions?  » que l’on pourrait rebaptiser « Qui veut monter dans l’avion?  » . Ne manque que la musique!!!

Nous avons l’impression d’entendre la voix de Jean-Pierre Foucault nous demander « C’est votre dernier mot? »…. On prend souvent un joker: le 50/50 ou l’appel à un ami, en l’occurrence le consulat honoraire de Jujuy, nos familles, des amis en France.

Rien n’est simple, mais petit à petit, on avance. Mardi soir vers minuit, alors qu’il nous reste 4 h pour rejoindre Buenos Aires, l’hôtel réservé nous prévient que la zone où il se situe vient d’être fermée par la police. Il faut chercher une autre solution et avec deux couples de français dans la même situation que nous, nous trouvons un bel hôtel dans le centre. Vers 4h du matin, on nous dépose à la gare routière. Re-température, re-formulaire, re-laisser passer, re-taxis. Nous nous écroulons vers 6h sur de bons lits.

Un avion est prévu le 3 Avril par le gouvernement français…. Ah non, pardon, ça vient de changer, c’est plutôt le 4. Oui, oui, vous êtes sur les listes, vous allez recevoir un mail dans quelques jours… Mais, l’avion part après demain….Oui, oui, soyez patients.

L’ambassade de France est très disponible et nous rassure. Nous ne savons pas encore si nous pourrons ramener les vélos…. mais en nous couchant ce soir, nous sommes plutôt confiants sur le fait de pouvoir prendre ce prochain vol. Nous ne voulons pas rester bloqués à Buenos Aires. En parallèle, nous organisons notre traversée de la France! Un autre challenge!!

Nous sommes tous les 5 en forme, et contents de ne plus être autant dans l’incertitude. Evidemment, déçus, mais nous rentrons des étoiles pleins les yeux et le cœur. Nos filles nous ont épatés ces derniers jours par leur capacité d’adaptation et leur endurance morale. Elles sont confiantes, et voient toujours le côté positif des choses, comme l’opportunité de ce voyage en bus 2 étages qu’elle nous réclamaient depuis longtemps! Pendant que nous cherchons des solutions, elles s’amusent à faire des contrôles de passeport à des voyageurs imaginaires, qui doivent remplir de nombreux formulaires…. Rien de tel que le jeu pour transformer une situation tendue en une aventure unique!

Nous espérons maintenant que le prochain article sera publié de France, de notre zone de confinement. Prenez tous soin de vous et « quedate en casa » comme on dit ici. .

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