Le décompte des lacs et des jours…

Voilà deux semaines que nous profitons des berges calmes et verdoyantes du Lago Ranco. Deux semaines belles et riches en rencontres.

Et nous avons un petit pincement au coeur en le quittant…. La ville de Valdivia nous attend et surtout quelques étapes de liaisons pour rejoindre les lacs Puyehue, Rupanco et enfin le Llanquihue, le plus grand du Chili.

Après un dimanche tranquille sur les berges du lac, nous prenons lundi matin deux bus pour rejoindre la dynamique ville de Valdivia. Elle se situe à l’embouchure de plusieurs fleuves, à la fois orientée vers la mer et la montagne. Après 4 mois de campagne, c’est le choc! Nous n’étions plus habitués à autant de monde, de magasins et de centres commerciaux avec food-court à l’américaine. Noël se prépare sous le soleil.

Les musées sont malheureusement fermés en début de semaine. Nous profitons alors des quais où nous retrouvons avec plaisir les produits de la mer… et les otaries à fourrure qui se prélassent sur les pontons et se nourrissent des restes du marché.

Ce qui nous frappe surtout, ce sont les stigmates laissés par des mois de protestations. Toutes les vitrines ont été détruites. A leur place, ont été installés des panneaux de bois ou de métal. Les bâtiments administratifs sont saccagés, plus aucune vitre, des murs recouverts de tags revendicatifs. Nous mesurons alors l’ampleur et la violence des événements, qui ne sont pas arrivés jusqu’à nos chemins de traverse. La ville paraît calme aujourd’hui, mais les tensions sont palpables et chaque graffiti est l’occasion de discussions avec les filles… entre deux cerises, quand même!

Nous rejoignons les bords du lago Ranco le soir contents de cette escapade urbaine, mais heureux de retrouver la tranquillité du lac.

Nous lui disons au revoir au petit matin, sous un grand soleil. Direction Crucero, une petite ville entre notre lac adoré et le lac Llanquilhue, juste histoire de dormir. Nous traversons de grandes fermes laitières – nous sommes en effet au pays de la vache et du lait! – , d’immenses pâturages verdoyants où gambadent gaiement des centaines de vaches noires et blanches, et des petits veaux qui tiennent à peine sur leurs jambes et qui ravissent toujours les filles.

Alors que nous recherchons désespérément de l’ombre pour pique-niquer, Paty et Marta, en train de tuer un coq dans leur jardin, nous ouvrent leur porte et nous proposent un rafraîchissement. Voilà comment 2 heures plus tard, nous sommes toujours en train de discuter dans leur cuisine. Le coq a été plumé avec dextérité, il est prêt à être cuisiné! Nous partageons un pique-nique sur leur table, en parlant de la vie quotidienne ici, de la politique, des événements bien sûr, de l’immigration et des enfants. Paty se dit appartenir à la classe moyenne, la plus taxée. Elle nous explique que tous les services vitaux sont très chers au Chili: l’eau, l’électricité, la santé et l’éducation. Pour la nourriture, ils sont relativement autonomes et les biens de consommation, comme l’électroménager ou les vêtements sont relativement bon marché. Ce qui nous interpelle, et qui est source de beaucoup d’échanges avec les enfants, ce sont la modestie des maisons et le peu de biens matériels qu’ils ont. Et ce quelles que soient les familles qui nous ont accueillis. Il y a toujours une télé, mais c’est le seul objet de valeur. Sinon, c’est l’essentiel sans fioritures! Quand nous pensons à tous nos cartons….

Paty nous offre des oeufs frais pour les prochains jours qu’elle nous emballe avec amour. Et requinqués par autant de générosité, nous nous remettons en route.

Après avoir dépassé Crucero, nous trouvons à camper dans le jardin d’une maison communale. Le paysage n’a rien d’extraordinaire mais les lumières de fin de journée filtrant des gros nuages gris donnent à l’ensemble des allures de bout du monde.

C’est la pluie qui nous réveille! Nous petit-déjeunons dans le hall de la tente avant de nous remettre en selle, au cœur de ces pâturages quelque peu monotones! Quand soudain, c’est un canyon que nous croisons: un pont enjambe des gorges aux parois verticales et à la végétation digne d’une mini jungle!

Une petite pause rapide et frugale de fruits secs pour le déjeuner et nous arrivons à Entre Lagos. Les filles profitent des jeux en bord de plage, nous ravitaillons. Les campings ne nous inspirent guère alors nous continuons sur la route de l’Argentine, pour en trouver un avec une petite plage paradisiaque de mini pierres ponces blanches. Une mangrove l’entoure! On se croirait dans les îles!

Nous souhaitons rejoindre les thermes d’Aguas Calientes, à quelques kilomètres de là, par la route internationale qui mène en Argentine. Nous l’avons empruntée hier et elle ne nous emballe pas: étroite, beaucoup de camions. Nous devrons sûrement la reprendre dans un mois. Alors nous décidons de nous épargner cet aller-retour et prenons un bus devant le camping. Les thermes accueillent beaucoup de sorties scolaires des universités et écoles. C’est la fin de l’année scolaire, ici! Nous nous prélassons dans les piscines chaudes avant de rejoindre les trous d’eau creusés à même la rivière dans les galets, au côté de nombreuses familles chiliennes. Nous profitons aussi des sentiers du parc naturel. Une belle journée de détente et d’immersion locale!

Nous passons une fin d’après-midi tranquille et studieuse dans notre petit coin de bord de lac.

Et c’est reparti pour une étape de transition, vers le lac Rupanco et enfin le Llanquihue. Longue, peu intéressante, ensoleillée au début puis…. très arrosée!

Vers 16h00, nous arrivons à la cafétéria de Liarrosa, détrempés par 8 km d’une pluie intense. Un chocolat chaud et une part de tarte au citron plus tard, nous avons retrouvé un peu d’énergie… et un peu de soleil. Nous montons la tente derrière la cafétéria, sur un coin de pelouse bien agréable. Pendant que les filles enchaînent les parties de Uno et de bataille avec Emilia, la nièce de Liarrosa, nous échangeons inlassablement avec elle sur ses projets de voyage et sur ses rencontres. Elle confectionne un excellent pain de campagne qui nous rappelle la France. Liarrosa aimerait tant la découvrir avec son fils. Nous lui offrons un point de chute à Assas, dès que son projet pourra se réaliser. Liarrosa est une belle personne, au grand cœur et c’est avec émotion que nous la quittons le matin. Mais avec la certitude de la revoir bientôt, en Europe!

Au bout de quelques kilomètres, en bout de route, se dresse enfin le volcan Osorno. Il a sorti son écharpe de nuages, pour ne pas s’enrhumer, mais nous semble majestueux avec son cône parfait et enneigé.

Il reste en ligne de mire, jouant à cache cache avec quelques haies d’eucalyptus, jusqu’au village Las Cascadas. C’est la fin du marathon de l’école et le début de la fête de la bière locale. Sans transition…. Héritées de la culture allemande très présente ici, de nombreuses brasseries fleurissent dans la région. Nous déjeunons à l’ombre de la Plaza de Armas avant de rejoindre le lac pour une après-midi plage, pêche et sable volcanique. Il est immense, nous distinguons à peine la rive opposée.

En fin de journée, l’équipe organisatrice du marathon nous interpelle. Ils nous avaient remarqués et nous cherchaient pour nous remettre quelques cadeaux bien utiles à vélo: barres de céréales, tee-shirts fluos à l’effigie de l’école locale, oranges et jus de fruits.

Nous discutons un bon moment, avant d’aller goûter les bières et jus de fruits locaux, agrémentés de quelques empanadas excellentes. Les filles réclament une barbe à papa. Nous acceptons à la condition qu’elles se débrouillent seules pour l’acheter au bon prix!!! La motivation est telle qu’elle reviennent toutes fières avec deux énormes nuages roses!

Nous admirons le coucher du soleil sur le lac, moment de calme et de plénitude, avant de planter la tente sur la plage (sous le panneau d’interdiction!….), avec la ferme intention de plier le camp le plus tôt possible demain. Le bivouac a un petit parfum d’interdit très savoureux!!

A 6h45, la pluie nous réveille! Tant pis pour le départ aux horaires, c’est grasse matinée et petite déjeuner dans la tente en racontant les anecdotes des vacances et voyages antérieurs. Un bon moment en famille! Dehors, la brume se dissipe peu à peu. Le sable noir fume… Rien ne trouble la surface du lac… Peu à peu, les rayons du soleil percent, la tente sèche et nous pouvons nous mettre en route vers la cascade qui a donné son nom au village. Après 4 km de ripio et 30 minutes de marche le long d’une rivière tumultueuse, nous découvrons un cirque au milieu d’une jungle quasi tropicale de bambous, de fougères, de mousses et de nalcas. D’une falaise de roches noires volcaniques, jaillissent des flots blancs et assourdissants! Un brumisateur géant!

Nous continuons ensuite la route vers Ensenada, au pied du volcan bien couvert aujourd’hui. La jungle laisse la place à une forêt de hêtre plus classique mais tout aussi impénétrable, lorsque nous rejoignons les coulées de lave. Quelques particularités géologiques nous interpellent, comme ces orgues basaltiques radiales.

Au camping du soir, nous rencontrons une famille de voyageurs français en camping-car (www.5atw.org) et un cycliste français qui avait entendu parler de nous sur la route!!! Parents et enfants sont ravis d’échanger et de jouer. Nous passons une excellente soirée autour d’un barbecue, avec au programme anecdotes de voyage, châteaux de sable et apéritifs. Le lendemain, nous souhaitons un bon anniversaire à Stella, la petite fille de la famille autour d’un bon gâteau maison et de délicieuses crêpes. Nous leur souhaitons bon voyage en espérant se revoir en France. Merci pour ces moments de partage!

Nous sentons que nous rentrons maintenant dans une zone bien plus touristique. Sur la très belle route longeant le lac, nous croisons de nombreux camping-car. Heureusement que nous roulons sur une large piste cyclable! Nous faisons halte à la plage. Le ciel s’est découvert, nous gâtant d’un panorama fantastique sur les volcans Osorno et Cabulco. Nous passons les 2000 kilomètres au compteur…

Trouver un coin pour la nuit s’avère difficile. Nous nous dirigeons donc vers un camping de bord de lac. Nous nous sommes bien habitués au rythme chilien. Arrivés au camping à 21h30, pour un embrasement du volcan, dont les neiges étincelantes contrastent avec le ciel rosé. On savoure une bière et un jus devant ce spectacle. Puis, montage de la tente. A 22h30, le gérant du camping nous amène une lumière et une grille pour le barbecue. Vue l’heure, nous lui expliquons que nous allons plutôt faire un plat de pâtes rapide. Il semble étonné. Et puis, même si l’envie ne manque pas, nous n’avons pas encore trouvé le moyen de voyager avec une côte de bœuf dans nos sacoches!

La météo des prochains jours étant mauvaise, nous allons en profiter pour travailler et préparer la fin de semaine. Au programme, un week-end avec Felipe, Paulina et Isabella, nos amis de Futrono et dimanche, les retrouvailles tant attendues avec Papy, Mamie, Tonton, Tatie et les cousines. Le compte à rebours est enclenché et toutes les heures, Héloïse nous demande si toute la famille est arrivée à Puerto Varas. L’attente va être insoutenable, mais quel bonheur!!!

Pour terminer, un petit condensé sensoriel du Chili. En effet, nous parlons souvent de ce que nous voyons et de ce que nous goûtons, mais rarement de ce que nous sentons et entendons.

Voici donc une petite liste des odeurs qui nous entourent depuis ces 4 mois au Chili…. Bonnes ou mauvaises…. à vous de trier: les eucalyptus, les cyprès et les pins, l’iode de l’océan, la transpiration tenace, les chaussettes (et ce ne sont pas les plus grandes qui sentent le plus!!!), l’herbe fraîchement coupée, les animaux morts en bord de route, la peinture de signalisation toute fraîche, le bois, la coriandre (Mmh!!!!), la grillade, le pain, l’essence des voitures et celle du réchaud, le renfermé de la maison sordide de Boyeruca (toujours la même!), les huiles essentielles de lavande et de tea tree, le lac, les vaches et les moutons, les fleurs de printemps, les empanadas, le feu de bois, le maté …

Et pour ce qui est des bruits: le chant des oiseux, les cris stridents des ibis, les aboiements des chiens, les voitures et camions qui nous doublent, le cliquetis des vitesses des vélos, la pluie sur la tente, les arbres qui craquent, le vent dans les forêts, Heloïse qui parle, nos pas sur les pierres volcaniques, le ressac des vagues, le calme de la nature, les cascades, le réchaud, les roues qui rebondissent sur les pistes, les rires des enfants, les coups de klaxons pour nous encourager…

14 commentaires sur “Le décompte des lacs et des jours…

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  1. Hello la belle famille Joyeux Noel à vous et bonnes fetes de fin d’année et encore merci 1000 fois pour partager votre beau voyage .
    La bise
    Lulu

  2. Les deux derniers épisodes sont passionnants et le passage dans la grande ville très marquant sûrement!
    La famille arrive donc et vous allez être tous si heureux de vous retrouver!!!
    Nous vous souhaitons de bons moments ensemble, un bon Noël à tous,
    on vous embrasse !
    Denise et Jean.

  3. 2000 km! Fabuleux périple, performance sportive, aventure rêvée, aventure partagée… Joyeux Noêl en famille, mes pensés vous accompagnent!

  4. Mamie d’Ille et Camille sont venues nous confier la cafetière de Mémé de Cubières, prêt précieux, car la famille élargie (23) va se réunir au vieux chemin de Boule. Bon et Saint Noël à vous tous. Merci Fanny pour tous tes récits merveilleux.

  5. Que de merveilles, de rencontres touchantes, d’anecdotes, votre capital “Lamas Futés” ne cesse de croître et de nous régaler. Merci pour ce savoureux partage. Passez de très très bonnes fêtes ! C’est super que la famille puisse venir vous rejoindre à ce moment-là, chaud les coeurs ! Bonne fin d’année à tous !

    1. Héhéhé, il y avait suffisamment d’indices dans le texte pour reconnaître les auteurs ;). Prêts pour les semaines denses à venir ? Manon, Lucie et Héloïse vous envoient plein de bisous, et sont toujours heureuses de lire vos messages. Merci.

  6. merci pour les senteurs d’eucalyptus et d’herbes fraiches ; pour les bruits il vaut mieux entendre ceux-la que d’être sourds !! merci Damien pour les couleurs qui enjolivent un peu plus le voyage…Fanny, merci pour tes récits, on croirait entendre le rire des filles ; réserves-nous quelques histoires pour les soirées à Bariloche début février !!! en attendant, joyeux Noël avec tes parents et ta famille !!

  7. J’adore lire les tribulations de votre famille !! Je ne manque pas un post et vraiment c’est une telle bouffée de dépaysement et de bonheurs simples que j’attends le prochain avec impatience ! Vous allez retrouver une partie de la famille et passer les fêtes tous ensemble. J’espère qu’ils-elles viennent avec leurs vélos, question de tester un peu la force de leurs mollets !!! Je vous souhaite le meilleur pour ce Noël particulier et vous embrasse tous. Véronique

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par Anders Noren.

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