On a marché sur la Lune

Après une petite pause ravitaillement dans une chouette auberge de Curacautin, nous avons hâte de nous approcher des volcans. La Conaf est injoignable cette fois-ci. Nous nous lançons donc à l’aventure vers le parc de Conguillio sans trop savoir ce qui nous attend.

Nous roulons sous un beau soleil mais le ciel se couvre peu à peu. Nous ne trouvons pas de bivouac sympa et avons encore envie d’un peu de confort. Un petit chalet avec un immense terrain de jeu pour les filles croise notre route au bon moment. De quoi passer une belle fin d’après midi! Ici, comme ailleurs, beaucoup de propriétés sont entourées de fils barbelés. Ils en ont tellement que le surplus sert de fil à linge! Il ne faut pas avoir un petit haut en soie délicat, à étendre!!

Dimanche 20 octobre au matin, la pluie attendue n’est pas tombée, mais la couverture nuageuse est très basse, dense et grise. Nous nous élançons à l’assaut de la montée sur une piste en pente douce. Au bout de quelques kilomètres, nous entrons dans le parc Conguillio, avec l’autorisation des gardes quant à notre projet de traverser le parc du nord au sud, jusqu’au lac Conguillio, puis jusqu’à la prochaine ville de Melipeuco. Il y a de la neige au col, sur un kilomètre mais dans une zone plane. En poussant les vélos, ils pensent que nous y arriverons sans problème. Nous continuons la route confiants.

Sur notre droite, les premières coulées de lave noire apparaissent. Impressionnantes! La végétation se raréfie, se limitant maintenant à un lichen ras et argenté. Nous évoluons dans un paysage en noir et blanc entre lave et nuages ! Les adultes sont frustrés de ne pouvoir admirer le volcan Llaima, avec ses 3195 mètres d’altitude, l’un des plus hauts d’Amérique du Sud. Mais les filles elles, ne connaissent pas ce sentiment et se contentent de profiter de ce qu’elles ont: un immense champ de neige comme terrain de jeu qui se profile à l’horizon. Nous atteignons la laguna Captren et elles se ruent dans la neige!

C’est ici que la route est bloquée, vers 1200 mètres d’altitude. Au début, le terrain est plat et nous poussons les vélos avec enthousiasme jusqu’à la prochaine bande sèche. On s’enfonce dans la neige, on glisse, on rigole bien ! Dans l’effort, Manon perd même une molaire. La petite souris devra assurer ! Le problème de la neige de printemps, c’est que l’on se retrouve trempé très vite, surtout Héloïse avec ses petits pieds. Nous utilisons la technique, déjà éprouvée, dite des « sacs plastiques dans les chaussures ». Et hop, elle gambade à nouveau avec le sourire!

Quatre jeunes nous aident à monter les vélos sur une nouvelle portion enneigée plus pentue. Mais, la montée devient trop raide pour nous, trop glissante avec nos vélos chargés. Nous nous enfonçons à chaque pas et reculons plus que nous avançons. Le temps passe vite, il est presque 18h00 et nous ne sommes pas encore au col (1350 mètres), il fait froid. Nous décidons de laisser les vélos dans la montée pour la nuit, et d’atteindre un coin de bivouac à pied dans la descente une fois le col franchi… bien chargés de toutes nos sacoches. Seul le vélo de Manon nous accompagnera pour en porter quelques unes. C’est parti pour une rando improvisée!!! Enfin, la route est déneigée… mais pas les bas-côtés: deux murs de 2 mètres de neige nous entourent et la forêt environnante est également recouverte d’une épaisseur impressionnante. Sympa le bivouac!!! Nous continuons donc de descendre pour atteindre les aires de camping en bord de lac à quelques kilomètres de là. Héloïse a oublié que ses chaussettes étaient en plastique et marche vaillamment en jouant aux devinettes. Manon retient son vélo dans la descente, alors que les freins lâchent. Heureusement qu’elle n’était pas dessus! La boue volcanique, très abrasive, a eu raison des plaquettes! Lucie n’arrive pas à se réchauffer et puise courageusement dans ses ressources pour suivre! Damien et Fanny croulent sous le poids des sacoches, mais bon, ils n’avaient qu’à mieux anticiper la météo!!

Ouf, nous arrivons au campement à 20h00. Manon nous fera remarquer que la tente n’a jamais été si vite montée. Nous nous réfugions dans le hall. Et un plat de « pâte sauce tomate » plus tard, tout le monde a retrouvé le sourire et rigole déjà de cet épisode neigeux…. Bon, les vélos sont quelques part à 1300 m d’altitude, derrière nous. Mais, à chaque jour son problème et sa solution. Nous verrons demain. Nous nous couchons bien fatigués et bien au chaud alors qu’il se met à pleuvoir. Tout le monde sombre dans un sommeil réparateur. Seule Fanny entendra le martèlement de la pluie se transformer en un léger grésillement: il neige!!!! Heureusement, nous avons de très bons duvets!

Au petit matin, une fine couche de poudreuse recouvre les lieux que nous découvrons à la lumière d’un soleil timide. Nous rejoignons la maison du garde, lui expliquons la situation. Il nous propose gentiment de nous ramener au col jusqu’à la limite de la neige malgré la pénurie de gasoil due aux soulèvements populaires actuels, que nous découvrons grâce à lui. Nous lui demandons aussi de s’occuper des filles pendant que nous récupérons les vélos… ce qu’il fera avec beaucoup de gentillesse en les installant au coin du feu et de sa télévision dans sa petite cabane du parc. Merci encore Fabian! Quand le pick up s’éloigne avec les filles, Damien et Fanny se retrouvent donc tous les deux, dans l’ambiance ouatée si caractéristique des paysages enneigés. Les arbres ont revêtu leur manteau blanc. C’est magnifique! Qu’est ce qu’il ne faut pas faire, quand même, pour passer un moment en amoureux!

On n’oublie pas notre mission, récupérer les vélos!! La neige a durci dans la nuit et nous les poussons avec beaucoup plus de facilité. Nous profitons de la magie et du silence des lieux. La descente qui nous a paru interminable hier, est facile aujourd’hui. En moins d’une heure, nous rejoignons nos princesses, qui rôtissent près du poêle. Leurs chaussures sont sèches. Plus besoin des sacs plastiques…. mais nous les mettons de côté, on ne sait jamais! Nous passons la fin de matinée sur la plage de sable noir du lac Conguillio. Face à nous, se dresse une chaîne de montagnes coiffée d’une corniche neigeuse en équilibre. Dans notre dos, nous découvrons le cône parfait du volcan Llaima.

Nous nous réchauffons sur les pierres volcaniques. Nos yeux photographient chaque image, chaque scène pour les graver dans nos mémoires. Les flancs des montagnes sont décorés d’araucarias. Ils ressemblent à des parapluies, ou des palmiers conférant à ces lieux un petit côté paradisiaque, la canicule en moins. Le parc regorge de sentiers et nous choisissons de rejoindre un joli mirador sur le lac.

Les chutes de neige de l’hiver, très rigoureux cette année, ont fait de gros dégâts dans la forêt. Nous devons enjamber des arbres déracinés, et quand arrivent les premiers névés, nous faisons demi-tour. Nous voudrions garder nos chaussures sèches un peu plus d’une journée. Au coucher du soleil, la montagne s’embrase. Quel spectacle! Mais, une fois encore, nous dînons dedans car il fait déjà 0°C à 19h30. Le lendemain, le soleil continue de nous accompagner dans ce parc que nous adorons. Nous sommes ses seuls occupants (à part les gardes) et nous sentons comme chez nous. Nous décidons d’ailleurs d’y rester une troisième nuit. Nous nous imprégnons du calme et de l’énergie des lieux, accompagnés du chant des oiseaux, parfois surprenants. Soudain, des coups de marteau nous interpellent. Nous avons la chance d’apercevoir un pic vert à tête rouge. Il est capable de détecter le bruit des mandibules des larves dans les troncs morts. Grâce à son bec aiguisé et à son cou massif, il creuse des trous pour se régaler. Nous le regardons évoluer d’arbres en arbres, avant de s’éclipser devant un couple de rapaces.

Après une séance d’école, nous débutons une petite randonnée, pour découvrir plus précisément les araucarias. Ils se nomment « péhuen » en langage mapuche et se montrent très résistants à l’altitude, au froid et aux mauvais sols volcaniques. Leurs troncs rectilignes s’élancent dans le ciel à plus de 50 mètres parfois. Ce sont des siècles qui nous dominent, puisqu’ils peuvent vivre plus de 1000 ans. Au toucher, leur écorce nous semble un peu molle, comme du liège. Leur dessin ressemble à ceux des carapaces des tortues. Et leurs racines à des pieds d’éléphants selon Héloïse. Ils cohabitent souvent avec des hêtres aux silhouettes tordues pour accéder aux rayons du soleil. Nous apprenons que les peuples autochtones récoltent leur pignons pour en faire des farines riches ou du commerce. La rando est très agréable et enrichissante.

Il est temps pour nous de nous rapprocher de Melipeuco. A cinq, les réserves de nourriture s’épuisent vite. La route nous offre des perspectives inoubliables sur le volcan Llaima. Nous déjeunons au bord de la lagune Arc-en-ciel, aux eaux turquoises et translucides. Elle s’est formée lorsqu’une coulée de lave vieille de 320 ans est venue boucher le cours du Rio Truful. Nous marchons sur ce serpent noir, le sable basaltique crisse sous nos semelles, arrachant facilement quelques millimètres de gomme. Dans ce désert minéral, seules quelques graines sont parvenues à germer pour laisser place à des arbustes. C’est une lutte pour la vie dans ce milieu hostile!

Une pente douce nous amène sur les flancs du volcan dans un paysage lunaire et minéral, où les coulées de lave s’entremêlent. Nous ne nous lassons pas de ce spectacle grandiose et nous sentons tout petits face aux éléments. Il faut dire que le volcan Llaima reste l’un des plus actifs du Chili.

En début d’après midi, au bord de la laguna Verde, nous trouvons le bivouac idéal, plat avec vue, eau à volonté et plage! Jeux, lectures, contemplation du paysage…. Encore une après-midi paisible et au cœur de la nature!

Le clou de la journée: un ciel étoilé au-dessus du volcan.

Dernier petit déjeuner frugal dans le parc avec ce qu’il nous reste de nourriture dans les sacoches : du lait en poudre, du sucre et 3 barres de céréales !

« Volcan de lait » dixit Héloïse

Nous rejoignons une dernière étape, les chutes de Truful Truful puis le village de Melipeuco, dans un paysage toujours aussi minéral, entre les bombes pyroclastiques. Cours de géologie grandeur nature.

Nous prenons alors conscience de l’étendue des événements du Chili. Nous sommes bien loin de cette agitation et ne nous approcherons pas des villes. Nous restons vigilants, mais, l’ambiance est plus paisible à la campagne. Malgré tout, nous subissons quelques désagréments. Les distributeurs d’argent sont vides et nous sommes à cours de liquidités. Suzanna, de l’office de tourisme, se plie en quatre pour nous trouver des solutions, en appelant son réseau. Nous repartons avec un parcours fléché dans les supermarchés du village pour récupérer un peu de cash!! Tout Melipeuco doit être au courant de notre situation! Petit tour à la bibliothèque municipale, libre d’accès et sopapillas muy ricas pour le goûter.

La météo est très mauvaise pour la semaine prochaine… Pluie, pluie et pluie… Nous ne savons que faire. Nous décidons de mettre à profit ce temps peu propice à la bicyclette pour nous rendre en Argentine en pick up. En rentrant à nouveau au Chili, nous prolongeons ainsi nos visas. Ensuite, nous aviserons!

17 commentaires sur “On a marché sur la Lune

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  1. Bravo pour votre endurance et votre courage! Quelle aventure magnifique!!!
    Merci pour vos images et vos photos, en noir et blanc ou en couleur, c’est décoiffant…
    On vous fait plein de bisous,
    Denise et jean.

  2. waouh !!! Bonjour, c’est Véronique, Janine vient de me (re)donner l’adresse de votre carnet de voyage (c’est plus joli que blog !!)… du coup je me régale de vos images et anecdotes. Le montage de votre vidéo m’a scotchée, vous faites ça avec une appli au bivouac ??? Avec trois pépettes, le crapahut dans la neige, les vélos et trois barres de céréales au compteur ??? Tous les cinq vous êtes des champions et allez revenir tellement riches d’émotions et d’expériences, sans compter les biscottos !!!
    merci beaucoup pour ce partage !

    1. Merci beaucoup Véronique pour ton message et tes encouragements. Le montage se fait en effet avec un logiciel sous la tente ou quand on est en bungalow, un peu au fil des jours. A très bientôt.

    1. Hello Patrice! Merci pour le message. J’aime aussi cette photo de nuit, au pied du volcan. Dire qu’on a failli aller bivouaquer plus loin, on aurait manqué le spectacle…

    1. Merci Pierre. Des cyclovoyageurs extraordinaires (www.velovefamily.com) avaient sous sous titré leur blog: « chaque jour est une Aventure ». On ne peut pas dire mieux…

  3. Vous semblez protégés de l’agitation de Santiago, tant mieux. Physiquement vous allez revenir dans une forme extraordinaire!

    1. Merci Jean Luc pour ta fidélité, tes commentaires et encouragements.
      Nous restons loin de l’agitation des villes. Et donc des musées, dommage. J’imagine la richesse de celui de Madrid. Je suis contente que le voyage à Madrid se soit bien passé et que les élèves s’intéressent à notre voyage. Nous pouvons communiquer par WhatsApp avec les élèves si tu veux. A bientôt!!!

  4. Sublimes paysages autant sous la neige, que sous le ciel bleu ou étoilé. .Merveilleuses petites filles et quelle endurance !! Vous méritez bien des trophées . Plein de bisous

    1. Coucou, le moral des troupes est au beau fixe, contrairement à la météo. Le printemps tarde à s’installer. Ce qui nous oblige à dormir souvent en cabanas, pour le plus grand bonheur des filles👍.

  5. Merci pour ces moments . Photo du Ciel étoilé magnifico !
    Ici c est canicule ! nous avons osé courir à 15h30 mercredi avec Cécile. Je ne sais pas combien il faisait mais j avais la crème solaire sur mon bras qui donnait l impression de bouillir. On vous envoie tous nos sacs plastiques !!!

Répondre à DamienAnnuler la réponse.

par Anders Noren.

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