Premiers tours de roue

Jeudi 8 décembre : Les vélos sont remontés. Il est 7h30 quand nous quittons notre cocon protégé du quartier de Mangua. Nous sommes un peu stressés par cette sortie de Carthagène.

Nous évitons habituellement les villes et là, pour nos débuts de cyclistes citadins, on s’attaque à l’une des plus grandes villes colombiennes ! .

Quel dépaysement ! Quel chamboulement ! La Colombie, c’est une explosion d’odeurs, de sons et d’images, un pays tout en contraste. Un choc pour les sens, constamment en alerte ! Chaque maison ou presque a sa sono à fond, chaque quartier a sa spécialité : ventes de meubles, réparateurs automobiles, ventes de produits de beauté.
Des boutiques modernes et pimpantes côtoient des magasins poussiéreux couverts d’un simple toit de tôle. Nous nous faufilons entre une limousine rutilante et une carriole tirée par un âne.


En s’éloignant du centre de Carthagène, nous traversons des quartiers pauvres jonchés de détritus. Ces amas de déchets et de plastiques nous retournent l’estomac tant par les odeurs qu’ils dégagent que par le gâchis environnemental engendré. Mais, les infrastructures manquent cruellement ici. Les quartiers périphériques – jamais fréquentés par les touristes – et les populations locales semblent délaissés.
Nous passons d’ailleurs près du marché principal de la ville, un imbroglio de ruelles et de stands vendant légumes, poissons, viandes. Chaque vendeur s’époumone pour attirer le chaland. Nous nous éloignons rapidement de cette cacophonie et de cette zone surpeuplée pour privilégier les ruelles plus calmes… avant de déboucher sur le périphérique !
Et là, nous nous insérons dans le trafic de motos et de voitures. Ah ! les motos ! Il y en a absolument partout, lourdement chargées de matériel ou de passagers. Il faut dire qu’elles sont utilisés comme taxis ici.

La circulation est dense mais plus gérable que ce que nous avions imaginé. La conduite des Colombiens se fait principalement au klaxon ! Nous avançons groupés à une allure convenable, hyper concentrés, évitant de nous arrêter trop fréquemment surtout dans des zones peu inspirantes.
Le thermomètre grimpe vite. Nous avons un peu d’air en pédalant, heureusement !
Au bout de 10 kilomètres, nous rejoignons une petite route de campagne. Nous retrouvons enfin le calme… Nous nous faisons d’ailleurs la réflexion que depuis notre arrivée en Colombie, c’est la première fois que nous goûtons au silence. Nous le savourons. Plus de voiture, 2 motos, c’est royal ! La route serpente entre champs et marécages. C’est très humide, très vert, les dernières pluies diluviennes sont récentes. Des vaches à bosses paissent tranquillement sous les bananiers et les manguiers. La chaleur s’intensifie à chaque coup de pédales. Ca monte et ca descend ! On transpire et on se délecte du moindre souffle d’air !


A 10h30, après 25km, nous arrivons à la Finca Jardin des délices, le camping d’Ingrid, Fabien et Julian, une famille de Français installée à Santa Rosa depuis quelques années. C’est un petit havre de paix, où nous pourrons tranquillement laisser les vélos pendant notre excursion en bus dans le nord. La sortie de Carthagène a été plutôt réussie ! Nous avons hâte de découvrir le parc de Tayrona, à côté de Santa Marta, à 300km au nord de Carthagène.

Et quel bon choix ! Après 5h30 de bus et un nombre d’arrêts incalculables à chaque intersection, nous arrivons dans la station balnéaire de Santa Marta. Il faut imaginer que nous sommes le week-end et en pleines vacances scolaires ! C’est comme si nous débarquions sur la côte d’Azur le week end du 15 août ! Tout ce qu’on adore, mais en même temps, ici, c’est dépaysant ! Les colombiens sont heureux. Ca s’entend et ca se voit. Ils vivent dans la rue, mangent sur le pouce beignets et glaces, se font maquiller ou coiffer sur le trottoir, et semblent fan de chaussures. Nous croisons un nombre effarant de beaux magasins de baskets en tout genre et de toutes marques ! La promenade en bord de mer nous offre une brise fraîche et un somptueux coucher de soleil derrière les mâts des voiliers.

Nous arpentons le marché couvert. Les étals de viande ne sont pas tous appétissants, l’odeur âcre nous écoeure vite ! On se rabat sur les ananas, les mangues et les fruits de la passion.

L’auberge Santa Maria où nous logeons, seuls, est propre et basique. La TV cathodique est d’époque, mais diffuse les matches de la coupe du Monde ! D’ailleurs, cette coupe du monde révèle la puissance du foot dans notre monde, et permet sans doute d’expliquer les montants astronomiques des droits de diffusions, des sponsors, de salaires, etc… tous les commerces diffusent les matches dans la rue, et quand l’Argentine marque, c’est une explosion de cris. Le foot est une religion, les joueurs des Dieux.
Chaque fois qu’on nous aborde dans la rue, c’est-à-dire en permanence, c’est le même refrain :

« De donde son ?
– de Francia …
– Aaaah de Francia ?! Mbappe ! Mbappe ! »

Et voilà, Mbappe est notre ambassadeur. Cela me rappelle les rues de La Paz en 2006, où on entendait scander Zizou, Zizou!

Santa Marta est la ville idéalement située pour organiser une excursion dans le parc national de Tayrona, un espace naturel côtier préservé, avec des plages magnifiques coincées entre les vagues de la mer des Caraïbes et le massif montagneux de la Sierra Nevada, qui culmine à 5000m d’altitude. Aucun véhicule ne circule dans le parc, il n’est accessible qu’à pieds ou à cheval. Les marches d’approche sont longues et la chaleur rend l’exercice plutôt exigeant physiquement. Mis à part LE spot connu (Cabo San Juan), qui semble aimanter tous les visiteurs, nous nous trouvons quasiment seuls humains sur les sentiers. Il faut préciser seuls humains, car côté faune, ça grouille d’oiseaux, de singes, d’insectes, de serpents et de caïmans !! Nous entendons au dessu-s de nous les cris rauques des singes hurleurs qui resteront bien cachés de nos yeux. La flore n’est pas en reste, la jungle est dense, variée, intimidante.


Après 5h de marche le premier jour, nous atteignons Playa Brava, un véritable paradis. Le petit camping offre une immense pelouse hérissée de cocotiers, donnant sur une plage déserte. Idéal pour une baignade ? Ben non… la mer est dangereuse sur cette côte, les vagues et les courants sont puissants, et presque toutes les plages du parc sont interdites à la baignade.

Heureusement, on nous indique des bassines naturelles et une cascade en amont dans la rivière, à une vingtaine de minutes de marche du campement. C’est à l’approche de la cascade que Fanny s’arrête net, elle a failli mettre le pied sur un serpent, lové dans le sable. On n’y connaît absolumet rien en serpent Colombien, mais on a cru comprendre que certains sont inoffensifs et d’autres mortels, mais lesquels ?
Notre sang se glace, et on fait un large détour.
Vous connaissez l’application smartphone PlantNet ? C’est simple, il suffit de prendre en photo une feuille, une fleur ou un champignon, et l’application essaie de l’identifier grâce à sa base d’images. Bref, nous l’utilisons souvent. C’est donc très sérieusement qu’Héloïse propose « on n’a qu’à installer SerpentNet sur nos téléphones! »
Inutile de vous dire que pendant les heures et les jours qui suivent, nous redoublons de vigilance sur les sentiers.

Au fait, la baignade dans la rivière valait vraiment le détour.

Lundi 12 Décembre, deuxième jour à Tayrona. Nous sommmes partagés entre l’envie de rester à Playa Brava et la volonté de poursuivre notre randonnée vers les plages plus fréquentées mais autorisées à la baignade, proches de l’entrée principale du parc. A 9h du matin le soleil tape déjà fort, et à 11h, la chaleur est accablante. Heureusement, la forêt offre une ombre totale, et finalement c’est très supportable, avec 2000% d’humidité quand-même. Nous atteignons Cabo San Juan après 4h30 d’effort, à l’heure du déjeuner. Certes, la plage et belle, photogénique avec cette langue de sable terminée par un amas de granite. Mais le méga restaurant construit sur la plage, l’immense camping attirent trop de monde à notre goût. Surtout après les 24 heures de tranquilité totale passées à Playa Brava.

Donc après un plouf rapide pour se rafraîchir, nous poursuivons vers l’ultime plage de notre parcours, appelée La Piscina. Splendide ! Protégée par une barrière rocheuse au large, l’eau calme et chaude appelle à la baignade. L’après-midi est déjà bien avancée lorsque nous sortons de l’eau, à la recherche d’un camping. Mais c’est promis, nous reviendrons demain matin, avant la foule. Nous trouvons le camping Lui à notre goût (c’est-à-dire quasi désert), et 2 couples de Colombiens en vacances nous emmènent dans une petite gargotte populaire pour le dîner, au son du groupe électrogène.

Mardi 13 Décembre, ultime journée à Tayrona. Nous passons un moment inoubliable sur la plage de La Piscina, il y a beaucoup moins de monde que la veille. On trouve même un restaurant, ou plutôt quatre planches autour d’un fourneau, et un jeune homme souriant derrière, qui nous cuisine un délicieux poisson grillé (una sierra), choisi au préalable. Tout nous a plu à Tayrona, en particulier l’irréprochable propreté des sentiers et des plages, qui contraste (malheureusement) avec ce que nous avons observé jusqu’ici.


Difficile de quitter cet endroit, de mettre un terme à ces 3 belles journées. Pourtant il faut rentrer, et rallier Santa Marta, avant la nuit si possible. Un dernier cadeau de la nature avec la rencontre d’une tribu de singes au dessus de nos têtes : un bruissement de feuilles, des branches qui bougent et une petite bouille qui vient faire le curieux… pour repartir aussitot se chamailler avec ses congénères.

Le lendemain, le bus nous ramène à Carthagène, et nous retrouvons au camping d’Ingrid et Fabien nos vélos (ouf :)), et d’autres voyageurs pour une soirée d’échanges. La nuit est agitée sous la tente, les moustiques et la chaleur agacent les filles, et nous aussi d’ailleurs. Au réveil, c’est l’incompréhension. L’arceau de la tente a cédé en deux endroits. Pourtant il n’y a pas eu un souffle d’air ! Par chance, Julian, le fils de Fabien et Ingrid, est équipé en outil et bouts de ferraille. On prend le temps de faire une réparation solide, enfin je l’espère.

Demain, nous enfourchons les vélos pour de bon direction Rincon del Mar, chouette idée de fêter Noël les pieds dans le sable.

20 commentaires sur “Premiers tours de roue

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  1. Vous commencez bien votre périple, cela a l’air magnifique!
    Et nous avons pensé à vous en mangeant une raclette, “avec des petits oignons pour penser à Fanny”, pour l’anniversaire de Charles!
    Bises et bonne continuation!

    1. Bonjour Magali, nous avons bien profité de la mer et reprenons la route. Merci pour les pensees gastronomiques!! Bises et belles fêtes de fin d’année. Fanny

  2. Après cette rencontre inoubliable au camping à Cartagena nous avons également repris la route nous sommes à Medellín nous avons pris la grande route . Nous avons beaucoup pensé à vous pendant la monté vers Medellín on part de zéro et arrivons à 2700m , de 30 degrés à 8 . Vous avez toute notre admiration. Soyez prudents. Françoise Guy leschapoutenroute

  3. Superbe récit et photos époustouflantes. Que ça donne envie de partir arpenter ces chemins et plages magnifiques… merci d partager 😍🤩

    1. Merci Elena, on ne se lasse pas de la mer mais reprenons maintenant la route direction l’est et les montagnes. Belles fêtes de fin d’année à vous. Bises a vous 3.

  4. Trop bien la plage en décembre !!! Par contre on vous laisse les caïmans et les serpents, ouvrez bien l’œil. Bisous

  5. Vos premiers tours de roue contrastent avec nos premières gelées…
    Vous nous faites voyager tant par votre récit que par vos images, c’est superbe !
    Le coup de la réparation de la tente qualifie bien votre tribu de lamas « futés ».
    Plein de courage et de good vibes à vous et allez les Bleus 🙂

  6. Santa Marta, que de souvenirs pour moi, c’est un pays somptueux, et le Nord notamment. Merci de me faire revivre ces émotions avec vous !! 🙂 Allez vous tenter la cuidad perdida ? Bises, Pierre

  7. Quel dépaysement (pour nous)! Vivement la suite! Que vont dire les Colombiens quand la France sera, à nouveau, sur le toit du monde?

  8. Vous voyagez dans nos sacoches ou quoi ?!
    À part le serpent (on voit quand même plein de traces) et les sin ges, la plupart du récit me fait beaucoup penser à notre voyage. Ici par contre ils sont plus pour la France que l’Argentine. 😀
    Les photos et le texte sont magnifiques, et les nouvelles nous font très plaisir.
    Bisous ❤️

  9. Super!!! Je me demandais justement où vous en étiez! Les paysages ont l’air magnifiques et vous avez l’air de vous régaler !!

Répondre à DamienAnnuler la réponse.

par Anders Noren.

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