Sur la route des Caraïbes

Vendredi 16 décembre :
Après deux jours de maintenance et de préparation, nous quittons la Finca des Délices au petit matin, encouragés par tous les voyageurs avec qui nous avons échangé ces derniers jours.

Guy, Françoise, Pascal, Ingrid, Fabien et Julian nous donnent des ailes alors que le soleil nous réchauffe déjà ! On ne peut qu’avoir le sourire après ça !

Nous quittons rapidement les faubourgs animés de Santa Rosa pour retrouver la tranquilité des petites routes. Un peu d’ombre, peu de circulation, une route vallonée serpentant au coeur des pâturages, que l’on partage avec de nombreuses charettes. Au petit col, surplombant les collines verdoyantes, nous passons un poste militaire, quelques questions un peu sèches au départ et puis de grands sourires qui nous invitent à poursuivre.
Vers 11h30, nous avons fini l’étape du jour et trouvons de l’ombre à côté d’un terrain de baseball à San Estanislao. Qu’elle nous paraît fraîche ! Mais au bout de quelques minutes, on a déjà oublié ce sentiment. Nous pique-niquons, discutons avec les enfants en vacances, qui s’approchent peu à peu de nous. Et nous nous remettons en route pour une autre placette. Les bancs en pierre nous brûlent, tellement ils ont emmaganisé de la chaleur même à l’ombre.

Heureusement, une légère fraîcheur se ressent à partir de 16h00. Nous trouvons l’unique auberge de la ville. Les draps et la salle de bain n’ont pas dû voir un savon depuis fort longtemps mais il y a la clim et une douche et ce soir, on apprécie ! Nous déambulons dans les rues pour quelques courses, visitons l’église, toute simple mais élément central du village surtout en ces veilles de Noël. La chaleur, plus que les kilomètres, nous laisse peu de répit et nous a bien fatigués.
A 5 heures du matin, les cloches nous réveillent en sursaut. Les Colombiens sont matinaux !


On enfourche les vélos, direction, une petite route secondaire entre canal et étang. Bien nous en a pris. Après avoir traversé un dernier petit village aux rues sableuses et défoncées, nous nous retrouvons sur une route goudronnée – la surprise du jour ! – apaisante et dépaysante. A notre droite, un grand canal et quelques barques de pêcheurs. A notre gauche, un marais appelé ici una ciénaga !
Puisqu’elle longe un canal, la route est ultra plate, nous permettant de rouler à une bonne moyenne de 17km/h. Le canal Del Dique, construit au XVIe siècle, relie Carthagène au rio Magdalena, principal fleuve de Colombie, unique voie de communication. C’est grâce à ce canal que Carthagène a prospéré comme grand port de commerce de l’Amérique de Sud, ouvert sur l’Atlantique, et l’Europe. La route est apaisante, calme… regarder les oiseaux s’envoler au dessus de nous est ressourçant.. des aigrettes blanches, au cou en S, se déplacent d’une démarche burlesque entre les longues tiges végétales. Des poules d’eau tournent en rond. De minuscules plantes grasses figent la surface des eaux. On pourrait presque imaginer y marcher. D’autres oiseaux que nous ne connaissons pas, ont élu domicile dans des arbres dont les fines branches plongent dans l’eau se transformant alors en racines. Nous nous régalons chacun à notre rythme de cet itineraire hors des sentiers battus.

A 11h, le compteur du jour affiche 45km et plus de 40°C, nous faisons un petit détour vers San Basilio de Palenque, un village chargé d’Histoire, marqué par le passé esclavagiste et négrier. Il faut l’avouer, nous sommes déçus du détour. Hormis un graffiti « black lives matter » et une boutique de pseudo artisanat africain, on ne perçoit pas l’histoire du village. La chaleur nous incite à nous réfugier sous le préau en feuilles de palmiers d’une gargotte très couleur locale, on y restera pour les heures les plus chaudes de la journée.

Nous quittons San Basilio en milieu d’après-midi sans regret, par des chemins de traverse chaotiques mais champêtres, même si cela nous oblige à pédaler 20 km supplémentaires, jusqu’à Maria La Baja, où on trouve un chouette hotel, propre et neuf (en construction en fait…). Je dois préciser que si nous avons eu un sentiment mitigé sur San Basilio de Palenque, c’est en grande partie de notre faute je pense. Des guides locaux proposent leurs services découverte du village avec toutes les explications historiques. Nous n’avons pas fait cet effort, fatigués par la chaleur, et n’avons pas été suffisamment curieux sans doute.

De Maria La Baja, nous empruntons la grande route du sud, longeant des plantations de bananiers et de palmiers, dont est extraite l’huile de palme. Nous traversons des hameaux, souvent pauvres. Les maisons sont très simples, parfois en briques, souvent en tôles ou en pisée et bambou. Une seule pièce pour de grandes familles ! Chacun vaque à ses occupations… pas de touristes ici, c’est une route de passage reliant Carthagene à la côte, très peu s’arrêtent. On nous regarde avec curiosité, on nous salue gaiement, les motos qui nous dépassent, lourdement chargées, nous klaxonnent pour nous encourager. La bande d’arrêt d’urgence est large et très roulante. On est très prudent lorsqu’un camion nous dépasse mais la circulation reste acceptable. Premier arrêt vers 10h00 pour tenter de suivre la finale de la coupe du monde. A la mi-temps, on se remet en route pour s’arrêter vers 11h30 pour une longue pause dejeuner comme les jours précédents. On repère un toit de palmes… et le resto devient notre havre de « fraicheur » pour les heures à venir. Pas de télé, mais une sono à fond dans le bar voisin. On écoute le match à la radio en plaisantant avec nos voisins. Et quel suspens ! Notre défaite après un beau combat marque la fin de notre pause et on atteint après quelques montagnes russes San Onofre.


Alors que nous nous reposons sur la place de l’église , les pères Javier et Juan Carlos nous rejoignent pour faire connaissance…. et finalement nous inviter chez eux. Nous plantons la tente sous leur kiosque de feuilles de palmiers, avant un gros orage tropical. Nous partageons une succulente soupe et surtout des discussions passionnantes sur leur travail dans cette ville au passé violent et difficile. Ils essaient d’accompagner les familles vers la paix et la résilience. Des leçons d’humanité… Nous assistons à la messe, diffusée par haut parleur, dans une église grande ouverte. C’est gai et entraînant! La nuit sera chaude et bruyante. C’est le silence qui me réveillera à un moment donné. C’est dire la musique incessante. Lui succèdera la messe à 5h00 que nous suivrons de notre tente!
Les discussions s’enchaînent avec les pères, les missionnaires présents et les personnes travaillant dans la paroisse. Nous les quittons en promettant de nous revoir à Rincon où nous allons et à notre retour.

Apres une courte étape, nous plongeons dans l’eau chaude des Caraïbes. Quel régal !
Rincon, c’est un petit village de pêcheurs qui se convertit peu à peu au tourisme. Pas de grands hotels, pas de routes goudronnées. En vélo, nous le traversons en évitant ornières, cochons et poules.


Nous nous y sentons tout de suite bien. Nous y resterons une semaine dans une auberge surplombant la mangrove, et aurons le temps de nous imprégner de l’ambiance festive et familiale des fêtes de Noël. Les enfants jouent au foot sur la plage, les petites filles s’amusent des cheveux raides d’Héloïse et la coiffent. Les rues sont décorées de guirlandes de plastique recyclé. Chaque soir, devant des crèches artisanales, les enfants chantent en groupe des chants religieux et partagent un goûter.


Nous avons nos petites habitudes, nous sympathisons avec l’épicier du coin, le petit resto sur la plage et guettons les camions ambulants vendant fruits et légumes frais. Nous retrouverons aussi les pères et missionnaires venus se rafraîchir à la mer, pour une nouvelle matinée de partage autour d’un bon déjeuner et d’une bière.
Nous ne nous lassons pas des baignades au lever et au coucher du soleil, dans une eau incroyablement chaude, rosée dans les lumières du matin, puis argentée et turquoise sous le soleil de midi! Des escadrons de pélicans nous survolent et plongent à nos côtés, on se régale de leur ballet et de leur technique de pêche. Ils concurrencent les pêcheurs locaux qui sillonnent la baie à bord de barques à rames ou à voiles bricolées. Les ardeurs du soleil sont atténuées par une brise marine et la température devient idéale. Un soir, sur la plage, nous croisons Richard un voyageur Vénézuélien à vélo extraordinaire. Cela fait 5 ans qu’il voyage et il a rencontré il y a 4 ans en Bolivie la Velovefamily que nous connaissons bien ! Quelle heureuse coïncidence !

De belles vacances, très dépaysantes ! Car nous en profitons aussi pour découvrir les spécificités de la région.
L’association, « un mundo verde », propose des visites de la mangrove qu’ils réhabilitent depuis 12 ans. Ils en ont extrait 78 tonnes de déchets et la vie a pu reprendre, entre les racines des palétuviers rouges et noirs : crustacés, poissons et iguanes ont retrouvé leur habitat naturel. La mangrove est en croissance et permet aussi de protéger la côte. On s’aventure à pied au coeur de la forêt pour observer des paresseux. Ils sont perchés mais c’est génial de les repérer au sommet des arbres. Ils ingurgitent 200g de feuilles par jour, donc peu de calories ce qui explique leur gestes extrêmement lents. Ils ne descendent qu’une fois par semaine pour faire leurs besoins dans la mangrove toute proche pour tromper leurs prédateurs et se laver. C’est une belle découverte et surtout une initiative à pousuivre. L’association a à coeur de sensibiliser la population à la sauvegarde de l’environnement pour sa propre survie.

Deux autres découvertes nous ont enchantés. A la tombée du jour, nous partons à bord d’une barque à moteur bien chaotique. Nous admirons le coucher du soleil devant un îlot, lieu de nidification de milliers d’oiseaux : des échassiers, quelques cormorans, des pélicans et surtout des centaines de frégates dont les mâles arborent une gorge rouge et gonflée. C’est un spectacle vivant apaisant auquel nous assistons, chaque acteur déployant ses ailes ou planant au gré des vents et des courants.
On se remet en route dans la pénombre pour rejoindre une lagune protégée par un tunnel de mangrove… les eaux sombres sont totalement calmes… nous troublons leur quiétude en y plongeant et là, en bougeant, nous illuminons l’eau. Elle s’éclaire de l’intérieur et on croit nager dans un ciel étoilé. Nos cheveux, nos bras se recouvrent de milliers de points lumineux. Et pour cause, nous nageons dans du plancton bio luminescent. Une expérience incroyable que nous découvrons tous les 5. Magique et euphorisant!

Nous rentrons de nuit à la frontale sous un ciel étoilé bien réel cette fois ci et magnifique. Nous plongeons chacun dans nos pensées plus ou mons crispés lorsque la barque tape dans la houle.

le lendemain, nous retrouvons Jaime le capitaine pour une journée sur l’île de Tintipan. Premier arrêt au dessus d’un massif de coraux pour une séance de snorkeling. Superbe! Le courant est fort et c’est très fatigant mais on ne sait plus où regarder.

« Ce matin, nous avons pris le bateau pour aller à une île qui s’appellait Tintipan. Au milieu de l’excursion, nous nous sommes arrêtés pour voir le fond marin . L’eau était cristalline, et on a vu plein de poissons: des grands,des petits , des rayés,des jaunes, des bleus, des fluorescents. On a aussi vu un oursin et plein de coreaux:des petits,des grands, des pointus,des bosselus,des lisses, en forme de feuille ou de patate. Quand on est arrivé à l’île c’était magnifique. j’ai adoré!!  » HELOISE

Ensuite, on nous dépose sur une plage de sable blanc pour la journée. Les eaux sont cristallines et les îlots de coraux nous révèlent plein de surprises à quelques brasses du bord. Encore des poissons multicolores, rayés, plats, lumineux qu’on pourrait presque toucher. On ne sort que pour pique niquer à l’ombre d’un grand arbre. L’expérience a conquis les filles.

Nous vous souhaitons à tous un joyeux Noël. Nous l’avons passé en famille avec un couple de colombien de Medellin, Rafael et sa compagne. Nous nous sommes régalés de produits locaux marins.
Nous avons beaucoup occupé la cuisine commune de notre auberge, ce qui nous a permis de rencontrer de nombreuses personnes et notamment ce couple et une autre famille de la région du café avec qui nous avons sympathisée et longuement discutée. Tous nous ont invités chez eux. Je crois que notre itineraire se basera sur ces rencontres et les invitations qui en découlent. Dans quelques heures, nous retrouvons les pères à San Onofre et prenons ensuite la route de l’est. Belles fêtes à tous !

20 commentaires sur “Sur la route des Caraïbes

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  1. Coucou que de belles photos et de beaux récits. Merci de nous faire partager cette expérience. Meilleurs vœux pour cette nouvelle année

  2. Coucou les lamas, c’est toujours un plaisir de vous suivre, j’ai l’impression de partager un peu vos rencontres et de me baigner avec vous. Belles fêtes de fin d’année.

  3. j’ai beaucoup aimé ces fameux bossulus comme mamie janine, bravo les filles , vous êtes les dignes filles de votre mère reporter en vous regardant (je me régale) , je profite de 3 Fanny(s) . Que la nouvelle année soit pour vous 5 toujours merveilleuse, aventureuse, fantastique, et joyeuse.
    Roselyne

    1. Hola Catalina, muchas gracias por su mensaje y todos los moments compartidos en Rincon y el bueno cafe. Es un placer conocer a su familia. Esparamos que han pasado un feliz navidad !!

  4. Merci de cette tendre lecture de vos aventures qui me fait voyager et qui nous fait découvrir la chaleur humaine dans vos rencontres, vos partages, … quelques soit le niveau social…
    Un Messi sans e nous a privé de la coupe du monde, mais le MESSIE avec E, l’Emmanuel, est dans toutes ces rencontres de Vie, là-bas, ici, …
    Joyeux Noël, et un peu en avance, Une Bonne Année 2023… Yalla !

    1. Toujours des paroles très justes, Patrick. J’espère que les fêtes de Noël se sont bien passées pour toi. Et comme tu le dis si bien. YALLA!!

  5. Bonjour les Lamas et bonnes fêtes à vous !!!! Chouette de continuer cette aventure en famille ! Je vous embrasse bien fort et j’en profite pour vous souhaiter une super année à venir !

  6. Joyeux Noël à vous 5 et profitez bien de ce pays haut en couleur et en saveurs ! On en prend plein les yeux et les papilles…
    Mais que calor !
    Besos
    Vinciane, David, Lorran et Natéo

    1. Merci à vous 4!! Oh oui… que calor!! Votre blog me manque. J’espère que les fêtes se sont bien passées. Bises à tous les 4.

  7. Quel bonheur et quel dépaysement avec ce beau et chaud voyage, aux mille couleurs , rencontres , et expériences pour cette soirée du 26 Décembre .
    Mais devant tant de pauvreté , d installations si rudimentaires , on est bien triste et impuissant et on
    devrait relativiser .
    Ouf!!! vous avez pu partager le repas de Noel , avec des locaux et le menu était appétissant ;
    On est rassuré .Vous nous avez tellement manqué.
    Superbes vos tresses les filles , ça vous change.
    Merci et bravo ma petite Héloise pour ta belle description des fonds sous_marins de l île de Tintipan : avec tous ces détails, on peut faire une belle fresque et les plus rigolos, ce sont les coraux bosselus.
    On vous embrasse bien fort .
    Papy et Mamie

    1. Merci!! Beaucoup d’échanges et de rencontres en effet. Les installations étaient rudimentaires mais les gens étaient heureux surtout en cette période de Noël où les enfants ici aussi avaient toute leur place. Qu’ils sont beaux d’ailleurs ces enfants! Vous nous avez aussi beaucoup manqué. Les coraux bosselus resteront dans les mémoires. On vous embrasse bien fort.

    1. Merci Magali! C’était une super semaine pour se mettre dans le bain et prendre des forces pour le vélo!! Depuis on a découvert la campagne colombienne superbe et très très chaude!! Plein de bises à vous 4.

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par Anders Noren.

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