Toujours un peu plus au Sud

De Loja à Loja à vélo, puis a Quito en bus, nous profitons de l’ambiance équatorienne. Une dernière boucle que nous avons imaginée au dernier moment, de belles surprises dans ce sud de l’Equateur aux paysages changeants et à la populatuon toujours aussi souriante.

Comme toujours quand nous restons plusieurs jours au même endroit, on s’étale, on s’étale et nous quittons les lieux vers 12h00. Notre objectif du jour, une petite lagune, est inversement proportionnel à notre retard.. 9 km donc ça devrait aller. Nous quittons la ville, pique-niquons dans la cour d’une école et après une belle montée, une grille cadenassée se dresse devant nous. Les abords du lac ne sont accessibles qu’à pied par ce chemin! Au bout d’un moment, devant notre désarroi et nos vélos chargés, la famille qui tient le parking voisin nous avoue que les propriétaires du lieu leur ont laissé une clé… et ils nous ouvrent les portes de notre bivouac. Nous les remercions du fond du coeur. Et une fois tous les promeneurs dominicaux partis, la lagune et ses berges moelleuses sont à nous pour une douce soirée baignée de lumière dorée avant que les étoiles de la ville ne s’allument à leur tour. La nuit ne sera perturbée que par quelques fortes rafales de vent. Et ce n’est rien par rapport à ce qui nous attend! Mais ça, nous ne le savons pas encore !

Réveil brumeux pour une journée qui le restera. Nous grimpons par une belle piste, petit détour vers une église pour un déjeuner abrité de la bruine… on se remet en route? on reste? Nous hésitons entre « c’est pas mal ici avec un abri », dixit Lucie et « on peut trouver mieux et avancer encore un peu », d’après Papa. Et le gagnant du jour est l’homme de la famille qui nous entraîne sur une piste toujours plus belle, en surplomb, bordée de forêts et… extrêmement ventée!!!
Une chose est sûre, ce soir, il nous faut un abri…. et pas une maison à l’horizon ni un terrain plat d’ailleurs… Alors que nous amorçons la descente, Manon repère un bâtiment sur un petit promontoire. Elle part en reconnaissance: petite église avec auvent et mur pour se protéger du vent et de la pluie…. on ne peut rêver mieux!!


Nous sortons chaises, réchauds et doudounes. Malgré les conditions climatiques difficiles, c’est la bonne humeur qui prime, avec au programme blagues, jeux et complicité. Nous remarquons avec Damien que finalement les filles s’accommodent très bien de ces situations inconfortables dans une ambiance détendue et tranquille. Au menu de ce soir, boeuf bourguignon, gratin dauphinois et tome de brebis…. Ah non, ça, c’était en rêve…. Dans nos gamelles, soupe de lentilles et pomme partagée en 5!! Un peu moins appétissant certes, mais le bouillon nous réchauffe le corps et l’humour des filles l’âme. Une lumière surnaturelle enflamme alors le ciel et les nuages transpercés par le halo du soleil.


Tel un voilier en perdition sur l’océan, la tente, tangue au gré des bourrasques aussi fortes qu’irrégulières pendant la nuit. C’est toujours impressionnant et nous tenons les arceaux pendant les épisodes les plus virulents. Au petit matin, le vent est toujours très fort, et cela devient usant. Dès que nous posons quelque chose, il s’envole. Nous replions donc au plus vite notre camp pour profiter de cette journée ensoleillée.

La piste surplombe la vallée et offre de superbes vues sur les montagnes alentours. Montagnes qui peu à peu se transforment. En changeant de versant, nous laissons verdure, pluie et vent derrière nous pour pénétrer dans un univers dans lequel les arbres, nombreux quelques kilomètres auparavant, ont complètement disparu, un univers brûlé par le soleil. Quel contraste! On se demande même comment cela est possible en changeant juste de versant.


Après un pique-nique rapide sous l’ombre légère d’eucalyptus, nous rejoignons celle bien plus agréable de l’église de San Francisco El Alto, petit village accablé de chaleur et de poussière.

Nous nous étalons bien sur l’esplanade ! Nos aller-retour à la tienda locale sont vite repérés par les quelques habitants croisés. Les courses sont maigres, biscuits et sodas, et les quatre tomates de la réserve personnelle de l’épicière généreusement offertes. C’est alors que nous entendons une musique que nous connaissons bien, celle des vendeurs ambulants qui sillonnent les campagnes pour proposer aux habitations reculées toute sorte de produits et de services: glaces, cours de conduite, reprise de ferraille, etc.. nous tendons l’oreille et aujourd’hui, c’est un camion de poissons et fruits de mer, quelque peu incongru dans ce paysage de savane montagneuse. Nous le délestons d’un kilo de crevettes locales pour agrémenter nos pâtes du soir. Un régal degusté sur la place du village, notre jardin du jour. Ce soir, la voisine nous a ouvert une salle paroissiale avec toilettes et cuisine, le luxe! L’air est doux, la pleine lune recueille nos discussions, nos rires et nos confidences. Héloïse enchaîne les roues et joue avec un petit chaton, sous l’oeil protecteur des habitants. Nous adorons ces ambiances authentiques de villages reculés où notre présence, curieuse au départ, devient vite une évidence pour les locaux: « Son las pequeñas francesas en bicicleta », entend-on murmurer les voisines entre elles avec un sourire bienveillant.

La piste continue sa progression dans ce décor doré de canyons et de savane, où même les acacias peinent à verdir. Bougainvilliers et bananiers sont les seuls oasis de verdure. La petite brise nous rafraîchit dans les descentes, et à midi, nous investissons l’auvent d’une maison inoccupée et à vendre pour échapper aux braises solaires.

Il est presque 16h00 quand nous nous décidons à quitter notre ombre protectrice. Il fait encore plus de 35 degrés… Alors que nous peinons dans une montée, nous parvient de derrière le grillage une voix enjouée: « quieren helados? Vous voulez des glaces? « , nous nous arrêtons incrédules et Mercy nous tend cinq glaces maison de jus de canne (guarapo), un délice rafraîchissant. Elle nous ouvre le portail et nous entraine dans son petit paradis fruitier, une véritable oasis dans cette vallée si sèche : cacao, café, papayes, granadillas, citrons et mandarines, canne à sucre et yuka. Nos bras de chargent au fur et à mesure de la visite. Mercy déborde d’énergie, de gentillesse et de générosité. La cueillette se fait au rythme de nos joyeuses discussions. Et quand nous demandons si nous pouvons camper sur son terrain, elle accepte volontiers même si elle-même doit rentrer sur Loja. Elle nous laisse aux bons soins de sa voisine Juana avec qui nous sympathisons. Et qui nous gâte d’un yuka frais et exquis. Nous cuisinons ensemble au feu de bois dans une jarre de terre cuite et partageons un peu de nos vies respectives. Nous qui arrivions au bout de nos réserves de nourriture, encore un cadeau de la vie! Nous nous endormons le coeur léger, le sourire aux lèvres, le double toit de la tente ouvert sur les étoiles.


Nous voilà en route pour Vilcabamba pour un repos de quelques jours. C’est le pays de la canne à sucre, et en chemin, nous nous désaltérons de deux jarres de jus de canne, sucré et savoureux à souhait… nous sommes bien les seuls à le boire ainsi, nature, sans une petite rasade d’alcool ou une grande d’ailleurs, au vu de la jovialité et des yeux rougis de nos voisins de table!
Le camping de Vilcabamba est un havre de paix au coeur dune végétation luxuriante, on n’y accède qu’à pied ou à vélo et nous sommes encore une fois seuls, bercés par le chant d’un barranquero et les grattements d’un oppossum dans le toit de la cuisine en bambou. Dès qu’on s’éloigne de la rivière, les flancs de la montagne s’assèchent, aucune feuille sur les arbres comme en plein hiver mais il fait 30 degrés.


Vilcabamba, connu pour climat agréable, est une petite ville peuplée d’étrangers en quête d’une meilleure qualité de vie. L’ambiance y est donc plus cosmopolite qu’équatorienne, baba cool et détendue. Nous retrouvons tout de même une touche locale au marché où nous nous régalons comme toujours de jus frais et de dejeuner mijotés. Nous y faisons aussi la connaissance de Yessica, Diego et leur fille Ambai, cyclovoyageurs argentins sur les routes depuis 2 ans et demi. Tout de suite, adultes et enfants s’entendent à merveille. Nous les rejoignons au bord de la rivière pour le petit déjeuner et ne les quitterons qu’à la nuit tombée. Baignades, jeux, pains et repas cuisinés au feu de bois, discussions et siestes rythmeront ces moments de partage. Rencontre encore une fois très inspirante par leur philosophie de vie et leur approche du voyage… nous en ressortons avec un supplément d’âme… et une bonne recette de pain à la poêle!! Recette que nous mettons à exécution le soir même au camping avec une autre famille équatorienne venue passer le week end. Entre école, lecture, films, jeux et moments partagés avec ces familles, le temps est passé simplement mais sereinement, au ralenti pour ces derniers instants équatoriens. Nous vivons aussi une rentrée scolaire atypique avec la découverte des classes des filles à distance!


Et il est temps d’entamer les derniers kilomètres à vélo sur un sentier bucolique en bord de rivière au milieu de jardins luxuriants où se cotoient orangers, bananiers et plans de café. Nous nous ennivrons de leurs odeurs suaves et entêtantes, bivouaquons dans ces décors typiques, rencontrons Max qui nous ouvre son jardin pour la nuit avant d’attaquer la rude montée vers le parc national Podocarpus. C’est l’un des plus grands d’Equateur. A 3000 mètres, il est couvert d’un entrelacement de bambous et d’arbres aux troncs biscornus et mousseux. On s’attend à voir un elfe au détour d’une liane mais c’est le vol pétillant d’un colibri qui nous envoûte. La randonnée escarpée et ventée nous mène une dernière fois sur un paramo à 3400 mètres. Devant nous, le chemin de crête se déroule entre plantes grasses, fleurs bleues endémiques, falaises et obstacles à franchir. Nous embrassons une vue à 360 degrés sur une immense forêt vierge d’un côté et la vallée que nous avons arpentée, il y a quelques jours de l’autre.
Nous nous nourrissons de cette nature et de ces moments familiaux uniques, conscients de notre chance d’avoir ce temps si précieux dont nous disposons librement. Nous campons près du refuge, seuls au monde, au rythme de la nature, des musiques et danses préférées des filles, des feux de bois et des pains maison.

Dernière descente vers Loja où nous attendent cartons et bus. Mais surtout nous fêtons les 12 ans de Lucie dans les couleurs et les saveurs équatoriennes. Match d’equavolley devant chez nous le dimanche, marché coloré, jus à volonté, plats typiques et savoureux: bolon de verde ou purée de plantain et yapingachos, sorte de croquettes de purée. Nous retrouvons aussi Mercy et son mari pour notre dernière soirée à Loja, à l’image de notre séjour en Equateur, authentique, sincère et joyeux. Ils nous font découvrir la place San Sebastian, son clocher et son marché colonial. Et nous entrainent chez eux pour une partie endiablée de baby foot et de Ligretto, jeu peu connu que nous affectionnons particulièrement. Quelle coïncidence! Nous partageons avec eux de nombreuses valeurs dont celles de la famille et nous profitons encore une fois pleinement de ces moments extraordinaires !!


Le lendemain, un bus de nuit nous attend… Les vélos sont bien emballés, Damien a été très efficace pendant que je me fendais de quelques rendez vous médicaux, sans gravité.
Toujours un peu stressant de traverser une ville et de prendre les transports en commun avec tout notre attirail mais ici, « no pasa nada, tranquilo » est la devise et il y a toujours une solution à tout. A la gare de Quito, les chauffeurs ne doutent d’ailleurs en aucun cas de leur capacité à nous charger, nous, nos vélos et nos bagages… « No problema »… jusqu’à l’ouverture des soutes, la découverte des cartons et le constat implacable dont on se doutait: « Ah no, no va a entrar »(Ah non, ça ne va pas rentrer)… pas grave, on trouve une camionnette plus grande!!
11 heures de bus pour faire en sens inverse ce que nous avons parcouru en 4 mois… nostalgie et pincement au coeur pour moi… et en même temps, excitation de découvrir un nouveau pays. Les sentiments contradictoires se disputent nos esprits.


A Quito, nous sommes encore une fois généreusement accueillis par nos amis d’Assas, Camille, Stéphane et leurs enfants. Entre diffusion du match de rugby, footing, école et repas au marché, il est temps de prendre l’avion. Ce soir, si tout va bien, nous nous envolons pour les USA.
Au revoir cher Equateur et chers amis de ce pays merveilleux. Vous nous avez ouvert votre coeur avec generosité et sincerité. Hasta luego y que les vaya bien.

14 commentaires sur “Toujours un peu plus au Sud

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  1. Bravo!!! Os felicito por este viaje soñado que habéis realizado tan bien (no esperaba menos). A por la última parte, nosotros os seguiremos leyendo con entusiasmo.

  2. Beau final pour clôturer votre magnifique périple en Equateur.
    Nostalgie , tristesse, on vous comprend….mais de magnifiques paysages , découvertes et belles rencontres (que je crois , vous avez le don de provoquer ) vous attendent .
    Et maintenant , les filles , place à l anglais .
    On vous embrasse

    1. Merci d’en avoir écrit un beau chapitre avec nous. Mélange d’émotions qui nous enrichit chaque jour. On vous embrasse fort.

  3. Je comprends la nostalgie de quitter ce pays où vous avez pu partager vos valeurs familiales avec tous ces gens si généreux et attachants.
    Je souhaite une bonne rentrée scolaire aux filles ; vous allez maintenant pratiquer votre anglais.
    Je suis sûre que les USA vont vous offrir de belles surprises et magnifiques paysages du côté de l’Ouest Américain. Vive l’Aventure !
    Profitez bien des retrouvailles avec la famille américaine.

    1. Merci encore et oui, vous avez raison, les États-Unis nous offrent à leur tour de belles surprises. Bientôt leur récit !

    1. C’est vrai que nos itinéraires parfois engagés nous ont toujours comblés. Et ça continue ici aux Etats Unis. J-6 avant de vous retrouver. On a troo hâte. Thank you so much.

  4. On vous a suivi pendant vos 6 mois en Colombie et vos 3 mois en Équateur grâce à vos récits captivants qui retracent votre quotidien avec les hauts et les bas (au sens propre et figuré)…..et sur toutes les photos vous avez le sourire. Quel plaisir de vous voir ainsi.
    On vous embrasse

    1. Merci. Nous sommes maintenant dans le dernier chapitre et nous sommes heureux d’en écrire bientôt une partie avec vous. On vous embrasse fort à J-15.

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par Anders Noren.

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